Bernard Werber poursuit son jeu vidéo de baston en « live-BD », et ce n’est probablement pas ce qu’il a fait de mieux. Ce « deuxième cercle » (c’est-à-dire deuxième niveau de la baston, réputé plus dur) est un collage de procédés censés provoquer des émotions, et qui ont bien du mal à parvenir à leurs fins.


Premier procédé (le plus astucieux) : les deux premières planches sont un résumé de l’épisode précédent, qui introduit un personnage d’ « Exit » faisant un compte rendu des prouesses meurtrières d’Amandine Wells, l’héroïne, auprès d’un mystérieux-chef-dont-on-ne-voit-jamais-le-visage, et qui habite un bel hôtel particulier, probablement parisien. Plus commun : on en profite pour surévaluer les talents de la demoiselle et la placer en posture de super-tueuse, ce qui la sacralise en tant qu’héroïne, mais manque de vraisemblance, au vu de l’épisode précédent.


Deuxième procédé : la résurrection d’un personnage qu’on avait cru bien flingué, et, en prime, cramé dans un incendie de voiture dans le premier épisode. Bilan : un sparadrap sur le front. Les héros s’en tirent toujours avec un sparadrap sur le front. Propre. On y croit, et je sévirai contre ceux qui n’y croient pas.


Troisième procédé : le chat qui envoie un mail. En cherchant une... souris, probablement. C’est fréquent, dans les châteaux.


Quatrième procédé : les méchants qui savent toujours tout même si l’héroïne n’a jamais été suivie dans ses fuites, ni tracée d’aucune manière...


Cinquième procédé : le tueur maniaque et obsessionnel qui récite « Le Loup et l’Agneau » à sa future victime en la suivant, et qui persévère alors qu’il pisse le sang de partout. On y croit. Werber est le plus grand, tas d’infidèles.


Sixième procédé : nous resservir une énième version des « Chasses du comte Zaroff ». La dernière fois qu’on a osé, c’était dans un vieux « Ric Hochet ».


Une assez belle séquence sur une communauté d’ex-hippies plus tout jeunes, compensant l’échec de leurs aberrations idéologiques adolescentes par la recherche d’autres utopies résignées.


Intéressant aussi (cela annonce-t-il la fin ?) : planche 30, Amandine se demande si les meurtres qu’elle jurerait avoir commis ne sont pas d’habiles illusions. Mais dans quel but ? Comme d’habitude dans les BD médiocres, tout le monde semble agir afin que le héros se découvre lui-même, au lieu de s’en foutre tout simplement.


Alain Mounier dessine toujours impeccablement, restituant bien l’atmosphère fantasmée d’un château médiéval gothique, avec bretèche, donjon, tours et tourelles d’angle à meurtrières, hourds et mâchicoulis, arcatures brisées aveugles sur la courtine ; à l’intérieur : murailles rainurées accrochant la lumière de biais, niches à colonnettes, mascarons inquiétants de retombées de voûtes, instruments de tortures médiévaux probablement documentés auprès d’organismes spécialisés, cheminée Renaissance en anse de panier, surmontée d’une frise sculptée et d’une belle statue équestre, fenêtres géminées à croisillons, meubles à ressauts et tores sculptés, passages secrets...


On ne saurait passer sous silence les formes de l'héroïne, qui passe la moitié de l'album en jogging moulant, dévoilant ailleurs un bas de fesses, et déchirant sa jupe longue de part en part. Ciel ! La maladroite !


Le dessin rattrape quelque peu l’assemblage hétéroclite de ces procédés, souvent tirés d’œuvres cinématographiques. Mais la crédibilité reste parente pauvre de ce récit.

khorsabad
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le 3 oct. 2015

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