Harley Madness Returns

Ça flirte dangereusement avec la BD érotique de bas étage mais le propos est pleinement réussi pour son sujet principal : dépeindre les pensées inavouées de son héroïne et cette psychanalyse inversée.

Une BD qui mérite clairement sa bonne réputation et dont la tonalité est suffisamment distincte de Mad Love pour légitimer complètement son existence. Le jeu de dupes entre Joker et Harley fonctionne à merveille, avec assez d’ambiguïté pour ne pas rester dans un simple schéma de "dominant / dominé"; c'est une plongée aux enfers vraiment réussie avec une héroïne consciente de la dangerosité de sa démarche mais qui s'aventure quand même au bord du gouffre par gloire, attrait du danger, détermination à aider les réprouvés de la société et évidemment une attirance qui semble en apparence mutuelle; un entremêlement de sentiments, pas toujours condamnables, que le récit met très bien en valeur et qui accorde enfin à Harley Quinn la nuance morale que sa popularité fulgurante lui a souvent déniée.

Dommage néanmoins que l'esthétique demeure parfois étonnamment terre à terre; l'auteur s'amuse pourtant à maintes reprises à dépeindre visuellement la confusion émotionnelle de son héroïne mais la charte graphique semble néanmoins un peu timorée, eu égard au cadre génial de l'asile d'Arkham qui devrait offrir une pléthore de possibilités surréalistes pour accompagner cette intrigue tortueuse; les remarquables couvertures alternatives de l’œuvre offrant d'ailleurs un bel éventail d'un certain potentiel inexploité. Toujours dans le registre visuel, la représentation de Batman est malheureusement très peu convaincante et de manière globale, le dessinateur semble peiner à dépeindre efficacement des scènes d'action ; de telle sorte que la présence du célèbre justicier de Gotham semble parfois un peu superflue dans le cadre de ce récit introspectif.

Enfin, l'intrigue véhicule également un certain sentiment d'inachevé avec une conclusion assez abrupte qui ne s'intéresse guère aux conséquences du basculement d'Harley dans la folie; une contrainte vraisemblablement liée au cadre restreint de ce comics mais qui sera peut être atténuée sur le long terme; en effet ce Harleen se voudrait apparemment être le premier tome d'une trilogie plus conséquente dédiée à ce personnage, trop souvent vulgarisé dans ces nombreuses incarnations à l'écran, et qui devrait donc permettre d'explorer davantage le parcours chaotique de son héroïne, engluée dans les travers de son propre esprit.

En l'état actuel, cette œuvre demeure une Origin Story particulièrement convaincante, à une époque où ce concept créatif est devenu quelque peu usé; et même si le Joker est ici incarné à la manière d'une Rock Star, c'est bien Harley qui tirera en définitive son épingle du jeu.