Aussi déviant que prenant.
Je n'ai découvert ce manga que tardivement, après visionnage de l'adaptation de Takashi Miike, que je trouvais déjà bien tordue sans pour autant connaître le matériau d'origine. Après lecture des dix tomes de la série, je me rends compte que ce que je prenais pour un film réellement violent et malsain n'était en fait que la version très "light" q'une oeuvre mille fois plus dérangeante.
Etant assez allergique aux mangas, à de rares exceptions près, Ichi the Killer rejoint la liste des oeuvres japonaises qui m'ont réellement marqué. Le dessin d'Hideo Yamamoto est bien loin des canons du genre, un trait assez grotesque, très caricatural, qui sert à merveille le caractère des personnages. Car tous, sans aucune exception, possèdent un côté dément. L'oeuvre n'est à aucun moment manichéenne, puisque même les figures "positives" que l'on pourrait en dégager sont occultées par une part très sombre. L'histoire, si elle peut paraître simple, est bien menée, bien découpée, et la série ne souffre d'aucune longueur, là ou la plupart des mangas que j'ai pu lire se perdaient en digressions, personnages secondaires qui ne faisaient que retarder l'intrigue pour vendre plus de papier.
Grand amateur d'horreur graphique et de glauque artistique, Ichi the Killer aura réussi à me perturber. Et Dieu sait qu'il faut y aller pour me mettre mal à l'aise, surtout via une bande-dessinée. Kakihara, mafieux sado-maso, n'est même pas le pire de la déviance : les jumeaux, Ichi, l'héroïnomane nécrophile, la plupart des protagonistes sont purement et simplement fous. Viols, sadisme, violence conjugale, masturbation sanglante, bondage, torture, si la violence est parfois un peu racoleuse, elle est ce qui donne tout le sel à l'histoire. Les japonais sont un peuple de fous, définitivement, et je ne peux que saluer le courage de la maison d'édition française : Ichi the Killer est tellement violent qu'il en rebutera plus d'un. Ce n'est définitivement pas une oeuvre "rentable" tant l'intrigue va loin dans le sadisme pur et simple.
Bien découpé, bien ficelé, mille fois plus déviant que le film de Miike, les dix volumes de la série sont une lecture indispensable pour ceux qui auront apprécié le long-métrage et pour les amateurs de sensations fortes. Âmes sensibles, s'abstenir...