Figurez-vous qu'on me demande de lire des BD pour donner mon avis éclairé dans le cadre du tout nouveau festival de BD de Tonnerre, l'Affaire Tonerresol ! Les inconscients ! Dans la liste des candidats à découvrir (des auteurs qui publient pour la première fois), il y avait ce magnifique récit inspiré d'un conte inuit : un père jette sa fille à la baille, parce que, même chez les Inuits, les pères sont parfois de vraies teignes, comme n'importe quel bonhomme tout imbu de son autorité fondée sur rien. Mais un pêcheur remonte son squelette à la surface. Je ne dirai rien du reste de cette histoire muette pour ne pas vous en gâcher la lecture, sauf que les dessins devraient suffire à eux seuls à aiguillonner votre curiosité : chaque planche ressemble à une litho, au cadrage soigné et au traitement de la lumière particulièrement éblouissant. L'histoire ne pourrait être qu'un prétexte, en eux-mêmes les dessins méritent le détour. Après, les niveaux de lecture sont un autre atout de ce récit tout simple mais aussi très profond qui commence par un féminicide. Loin d'un pamphlet bêlant à charge contre une certaine masculinité toxique, on a là une sorte de chant de l'éternel féminin, susceptible de constituer un remède à tout un pan de la débilité ambiante (excusez-moi, je viens de voir Undercurrent : the disappearance of Kim Wall, et ça, ça énerve...). Une lecture-médecine, donc, pleine de poésie et de lumière, ça ne se refuse pas !