Ces derniers jours une image de "L'évasion des Dalton" m'a fortement interpellé du coup, je me suis souvenu comment cet album m'avait laissé indifférent jusqu'à ce que l'image de Buck Danny se glissant dans la vallée glacée d'une montagne m'interpelle. Je n'ai plus l'album à la maison du coup, je vous adresse ci dessous une ancienne fiche de lecture.
Titre : Le mystère des avions fantômes
Auteur : Jean Michel Charlier (scr) Victor Hubinon (des)
1ère publication : 1964-65 Spirou
Publication album : Dupuis 1966
Album utilisé : Édition Dupuis à couverture rigide 1990.
Sources : P. Facon Les Avions
L'histoire :
De retour de congé les 3 héros embarquent sur le porte avion ''Enterprise''. En mission dans le grand nord ils sont confrontés à de mystérieux avions fantômes.
Éléments d'analyse :
Le problème du féminin.
L'aventure illustre une tentative de prise en charge du féminin par le recours au schéma antérieur.
La courte séquence d'ouverture P. 4-6 (Pl. 2-4) à vocation comique en apparence sans liens avec l'argument de l'histoire révèle l'enjeu inconscient de l'épisode.
Le contrepitre Slim Holden entame un rituel amoureux, en entreprenant de faire visiter la base navale de Saclant à la jeune femme qu'il courtise. Pour cela il adopte un comportement qu'il copie sur celui des adultes.
– Il lui fait visiter la base qui s'assimile à un lieu d'homme chargé de prestige.
– Il lui vente la sureté de son vieux tacot en affectant un ton distingué qu'il perd par la suite.
PL 2 2/1 :
Slim Holden : « Ceci, ma chère ?... C'est la bagnole la plus sûre qu'on ait jamais construite !... Avec ça, il ne peut rien vous arriver !... »
Réplique destiné à rassurer la jeune femme sur la maitrise de son désir, en se présentant comme un adulte modèle à l'image d'un père, même si le la vétusté de son tacot apparaît comme une contradiction de ses paroles. La vieille bagnole pouvant à la fois s'assimiler un jouet d'enfant et à la l'objet usagé d'un père abandonnée à l'enfant.
L'atterrissage, suite à un vol plané, de Sonny Tuckson sur le toit de la voiture provoque le déclenchement d'un désir affleurant et mal contraint. Les 2 contrepitres désormais unis se partagent les rôles exprimant la frénésie et le désarrois lié au coït.
Les répliques de Sonny exprime l'explosion physique du coït.
Pl.2 2/1 « AAAARGH! » Pl.2 2/2 « OUOUW !... » Pl. 2 3/1 « AAAH !... » Pl.3 1/1 « OOOOOH! » la dernière réplique s'associant à la plongé de l'auto dans la piscine qui s'assimile à une pénétration / éjaculation.
Les répliques de Slim Holden trahisse le désarrois vis à vis d'un désir qui échappe à tout contrôle.
Il commence par perdre la tête : Pl. 2 2/3 « Hououou! Ma tête!... Qu'est-ce que... » puis avoue son désarrois face au déchainement de l'acte sexuel où le désir féminin provoque la crainte.
Pl.2 3/1 « Mais... Espèce de cinglée!... A... Allez-vous cesser d'écraser l'accélérateur!... »
Les répliques de la jeune Margaret exprime le rejet de l'expression d'un désir s'exprimant par un assaut ressentit comme brutal à la limite du viol.
Pl. 2 2/3 « HIIIII !... AU SECOURS !... » Pl. 2 3/1 « P... Peux-pas !... Je... Je suis coincée !... AU SECOURS !... »
Une fois l'acte accompli elle exprime sa vertement sa réprobation en opérant la comparaison entre la promesse amoureuse et la réalité de l'acte.
Pl. 3 2/1 « Slim ! Assassin !... Vous... vous avez failli ma tuer !... Ah!.. Je les retiens vos promenades sentimentales et romantiques !... »
Une fois la tension sexuel apaisé les hommes retrouvent avec soulagement les rites d'une sociabilité entièrement masculinisé. Slim et Sonny se reconnaissent et tombent dans les bras l'un de l'autre, Slim propose à Margaret de participer à cette fraternisation, mais elle refuse.
Pl. 3 3/2 :
Slim Holden : « Mais... Margaret ? Hé !... Où allez-vous ?... Attendez !... Il faut que je vous présente Sonny !...
Margaret : C'est déjà fait !... Allez au diable vous et vos copains!... »
Il apparaît que les relations hommes / femmes, parce que indissociable de la sexualité, ne soit pas miscible dans une fraternité de type copains.
Le désir sexuel est perçu comme un moment de crise qui pose problème parce qu'il apparaît désormais irrépressible.
On peut remarquer l'atténuation du filtre par rapport à la période antérieure le désir est plus directement exprimé.
La quête lié à la base d'Amarillo, nom de code à consonance féminine, peut s'assimiler à la satisfaction d'un désir inconscient de conquête du féminin. Quête du féminin associé à une menace diffuse, l'un après l'autre les pilotes disparaissent en tentant de s'en approcher à l'image de la crainte lié au féminin qui voit l'homme consommé par la femme qui absorbe sa substance vitale.
Amarillo, retour vers le sacré perdu.
L'épisode retrouve le thème de la base secrète caché dans le grand nord, tel que JM Charlier les a précédemment mis en scène dans le dytique « Menace au Nord » et « Buck Danny contre Lady X ». La nouveauté provient du fait que les héros sont cette fois exclus de l'enceinte sacrée.
A l'opposé de la base Edward consacré à l'avion stratosphérique X.15 largement ouverte sur l'extérieur, les journalistes et les familles y ayant facilement accès au point de facilité la besogne des saboteurs, la base secrète d'Amarillo apparaît si secrète que son existence relève du mystère. Pour en parler le skipper du porte avion utilise des termes qui relève plus de la foi que de la raison.
P 38 2/3 :
Le Skipper : « inconnue ne veut pas dire inexistante Danny !... Des motifs stratégiques peuvent justifier le black-out total qui entoure cette base !... »
Son appartenance exige un retranchement total du reste du monde ce qui lui confère une dimension sacré comme le révèle Slim Holden à la fin de l'aventure.
P 45 4/1, 2 :
Buck Danny : « Amarillo ?!.. Ooh !..
Slim Holden : C'est le nom-code de cette base!... Une base ultra secrète dont seul le président des U.S.A. Et quelques très rares initiés connaissent l'existence !... // Tous ceux qui ont crée cette base, qui l'ont installée qui y sont affectés ont dû accepter d'y être séquestrés et de se retrancher totalement du monde durant deux ans, sans même pouvoir avertir leurs proches !... »
Retrait du monde qui comme dans le cas du porte avion confère à ses membres un statut de type monastique d'être entièrement dévoué au sacré.
– La coupure avec les proches correspond à un vœu de chasteté.
– L'isolement s'assimile à la claustration d'un couvent.
– La mutation mystérieuse et secrète s'assimile à un ordre divin, impérieux qui fait de son récipiendaire un initié.
La base secrète d'Amarillo présente une certaine analogie avec les lamasseries tibétaine du dytique « Top secret / Mission vers la vallée perdue ».
– L'ignorance de son emplacement exige de longue explorations aérienne
– Elle abrite des avions aux performances extraordinaire comme la lamasserie abritait un savant détenant des secrets sur les fusées intercontinentales.
– Les deux lieux secrets se logent dans des montagnes dont le ciel est couvert de nuages.
– Dans les deux cas la recherche des lieux mystérieux mobilise
Dans les deux cas la découverte dissipe le mystère, le mysticisme des lamasseries tibétaine se révèle être une imposture et le mystère de la base d'Amarillo un secret militaire bien gardé. La quête de la base d'Amarillo aboutit à une démystification.
Contrairement aux épisodes de la période Lady X les héros ne se trouvent plus dans le camps des servant protecteurs du sacré mais dans celui des explorateurs profanateurs.
– Les héros cherchent tour à tour à expliquer le mystère en désobéissant aux ordres, ce qui peut s'assimiler à la transgression de la loi paternel vis à vis de la mère.
– Buck et son ailier s'introduisent dans la vallée de la base par une échancrure de la montagne ressemblant à un sexe féminin, acte de pénétration pouvant s'apparenter à un viol.
Image d'une sexualité qui assume qu'elle ne peut s'affranchir de la notion de transgression.
Faute de faire partie des initiés, les héros doivent expier leur transgression par le sacrifice. Tumbler et Sonny passent par une mort simulée et Buck doit tuer son équipier (le traitre Cliff Harper) pour y pénétrer à son tour.
Une révolte en échec ?
L'album met en scène une forme de révolte vis à vis de la tutelle hiérarchique, qu'on peut assimiler à une autorité parentale qui leurs dresse une série d'interdit qui se cristallisent autours d'un nom à consonance féminine ''Amarillo''. Le mystère et l'interdit qu'on leur oppose ne cesse d'exacerber leur désir et leur curiosité.
A cette occasion on constate que dépourvu de l'approbation des autorités garante d'un impératif absolu, l'unité du trio éclate.
– Le numéro 2 Tumbler garant de l'absence d'ambiguïté homosexuel est assez vite éliminé, il devient un fantôme.
– Sonny et Buck se brouille et mène leur quête chacun de leurs côtés, s'associant tour à tour avec Cliff Harper qui au final se révèle un traitre, comme si la quête de l'unicité s'associait à la perversion.