Hiroshi Nakahara, père de famille de presque 50 ans, se croyait en route pour Tokyo. Il se réveille pourtant dans un train en direction de Kurayoshi, sa ville natale. Alors qu'il en profite pour se recueillir sur la tombe de sa mère, décédée à l'âge qu'il a au moment où les évènements sont racontés, un mystérieux coup du sort le fait rajeunir et le replonge dans son enfance. Hiroshi doit alors revivre ces années d'insouciance, de découverte mais aussi essayer de comprendre et d'éviter le départ de son père.
Le sujet est archi connu et universel ; qui ne s'est jamais refait le film de sa vie, ou en tout cas de certaines tranches de sa vie, essayant de corriger certaines erreurs, de deviner comment les choses auraient pu tourner ? Que ce soit de l'ordre du détail ou du bouleversement.
Jîro Taniguchi aborde ce thème en prenant son temps, nous faisant découvrir tranquillement les personnages, nous introduisant dans cette cellule familiale qui semble parfaite à première vue, soudée, joyeuse, pleine de vie, mais qui pourtant en vient à se briser avec le départ inéluctable (?) du père. On se replonge avec le personnage principal dans les années scolaires, redécouvrant la joie d'apprendre (finalement éloignée des souvenirs pénibles que l'on peut en garder), les premiers émois amoureux, les amis et la découverte de nouvelles expériences qu'elles soient bonnes ou mauvaises, agréables ou dangereuses.
Puis vient l'urgence, la course contre la montre lorsque vient l'approche du drame. Mais Hiroshi peut-il vraiment en vouloir à son père, est-il si éloigné que cela de cet homme qui restait hanté par son passé et cloîtré dans une vie frustrante sur certains aspects ? C'est là que Quartier Lointain excelle, nous mettant face à nos propres doutes existentiels, mettant l'individu au cœur de problématiques toutes personnelles et égocentriques, ce même dans un environnement collectif (ici familial) comblé de bonheur. La douce mélancolie qui émane du récit, d'un personnage coincé entre l'apaisement de revivre des moments de félicité avec un jolie jeune fille à la plage, des ballades à moto, de retrouver une condition physique et une capacité d'apprentissage toutes neuves, et la rencontre triste à en pleurer d'un personnage à la solitude extrême, la découverte de ses propres doutes face à ce qu'il est devenu et la fragilité de sa propre cellule familiale ; tout cela n'en fait jamais une œuvre plombante pour autant.
Le trait de l'auteur porte magnifiquement le propos touchant de la narration, avec ces visages aux mentons carrés, expressifs, qui retranscrivent à merveille les sourires, l'insouciance mais aussi la lassitude, la peine et le regret. C'est beau, c'est poignant, c'est à la fois simple et jamais superficiel, tout est abordé avec une nostalgie rigolote ou une mélancolie émouvante.
Quartier lointain n'est pas que le récit d'un personnage, c'est une œuvre qui parlera à tout le monde, partagée entre l'apaisement et la morsure douloureuse des regrets du passé, un vecteur d'émotion assez puissant et une belle lecture, qui en fait un indispensable du genre.