Un héros "Humain"

Il est toujours difficile de réussir à écrire de bonnes histoires sur Superman. De mon point de vue, il ne faut pas forcément partir sur quelque chose où l’action et les combats prédominent, le personnage étant trop puissant, hors limite. Il faut plus partir sur les symboles que Superman représente et symbolise. Je trouve ces histoires beaucoup plus fortes, beaucoup poignantes et profondes. Avec Superman à Terre, je ne sais pas du tout à quoi m’attendre. Et j’étais loin de m’imaginer l’incroyable voyage que j’allais entreprendre.

L’Homme d’Acier vient de subir un revers inédit et voit sa vie bouleversée. Au plus bas, il se retrouve incapable de la moindre réaction face aux attaques désespérées d’une jeune femme qui vient de perdre son mari. Pour le héros, c’est le début d’une remise en question qui l’amène à traverser les États-Unis comme il ne les a jamais parcourus auparavant… à pied. Pas à pas, c’est un nouveau Superman qui se reconstruit.
Superman – A Terre présente une vision inédite et originale de Superman dans laquelle le scénariste Joe Michael Straczynski (Wonder Woman, Before Watchmen, Babylon 5, Rising Stars) confronte le héros aux problèmes des simples humains, rétablissant un lien qu’il avait peut-être perdu auparavant. Épaulé par les talents de Chris Roberson (I, Zombie) et Eddy Barrows (Nightwing), le créateur de Babylon 5 signe avec ce récit la dernière aventure du super-héros dans sa période classique.
(Contient les épisodes Superman #700 à 703, #707 à 711, #713 et 714)

En me lançant dans Superman – A Terre, non seulement je ne savais pas à quoi m’attendre, mais en plus je prend le train en marche, puisque je n’ai pas lu les épisodes précédent, d’où découle directement ce récit. Mais le prologue nous plonge rapidement dans le contexte.

La Nouvelle Krypton vient d’être détruite, au prix d’une terrible bataille entre Superman et le général Zod. Cette période, compliquée pour Superman a vu une partie du monde se mettre à douter du super-héros. Cette crise, la disparition de sa planète pour la deuxième fois et la défiance du peuple, mettent à mal les certitudes de notre héros. Superman se retrouve en plein désarroi. Et sa confrontation avec une jeune femme, n’hésitant pas à gifler le super-héros aux yeux de tous, est la goutte de d’eau qui le fait basculer.

Entendre cette femme lui en valoir de la mort de son mari, parce qu’il œuvrait dans l’espace pour quelque chose d’abstrait pour le commun des mortels, plutôt que de se concentrer sur des problèmes plus concrets, directs et humains. Superman ne parvient plus, dès lors, à comprendre quel est son véritable rôle de héros. Ne sachant plus quoi croire ou faire, il se met alors à marcher. Juste à marcher !

Plus de pouvoir, plus d’acte super-héroïque, juste marcher, réfléchir à sa place et tenter d’aider, par la parole plutôt que par les gestes.

Mettre fin à la main mise de dealers sur un quartier, forcer un vieil homme à voir un docteur, offrir un emploi à un vieil SDF, aider un jeune mis à l’écart à s’intégrer dans un groupe, sauver une enfant battu, ou tout simplement empêcher une jeune femme de se suicider en l’écoutant et en lui promettant de ne pas utiliser ses pouvoirs pour l’en empêcher. Des choses que n’importe qui pourrait accomplir dans n’importe laquelle de ces situations.

Des actes simples, des « sauvetages » qui peuvent paraître anodins à côté d’un combat contre Brainiac ou Doomsday. Mais dans le cœur des gens, dans l’instant immédiat de ces personnes, ces actes son essentiels ! Concrets ! A l’instant T, Superman les sauve, change leur vie de façon bénéfique. Pourtant, tout cela n’aide pas notre héros à remonter la pente.

Et personnellement, sans parler de son état, voir Superman agir de la sorte, sauver ces personnes, je trouve cela plus impressionnant qu’un combat contre un super-vilain. N’importe quel héros de l’univers DC est capable de se battre contre l’Épouvantail, Captain Cold ou Deathstroke. Par contre, être capable de dégager tant de choses par sa seule aura, sa seule présence, de pouvoir basculer la vie d’une personne avec de simples mots, ça c’est incroyable !

Il se passe bien d’autres choses au cours de ces deux cents soixante-douze pages, nous avons le droit à d’autres rencontres riches en émotion, et l’on se doute bien qu’une menace plus « sérieuse » et qui vont pousser Superman à réutiliser ses pouvoirs va voir le jour. Mais ce récit se concentre vraiment sur l’introspection de Superman, sur ses doutes, sur sa place et son rôle de super-héros.

Un récit poignant, qui prend aux tripes, en nous proposant un Superman en plein désarroi face à de situations émotionnellement très dures. On passe par toutes sortes de sentiments au fil de notre lecture. Toutes ne mènent qu’à une seule vérité, Superman est un héros hors norme, c’est le super-héros par excellence, celui qui nous pousse à devenir meilleur, à suivre son exemple, à croire en l’extraordinaire !

Graphiquement, s’il y a plusieurs dessinateurs de crédités, le véritable artiste de ce récit, c’est Eddy Barrows. Clairement l’artiste qu’il fallait pour nous représenter ce Superman en plein doute, pour nous serrer les cœurs avec ces nombreuses situations difficiles que Superman va rencontrer. C’est esthétiquement très beau, émotionnellement parfait.

Bref, je disais en introduction, qu’il est très difficile d’écrire un bon récit sur Superman. Je rajouterais, que pour le faire, il faut comprendre Superman, comprendre ce qu’il représente, ce qu’il symbolise, ce qu’il est capable de cristalliser autour de lui. J.M. Straczynski l’a parfaitement compris, et l’on se retrouve avec ce que est devenue, et restera sans aucun doute l’un de mes récits préférés de Superman. Un super-héros hors norme, unique d’une puissance sans égal et pourtant d’une grande fragilité. Un super-héros venant d’une lointaine galaxie mais pourtant le plus proche de nous.