Supreme Blue Rose (2014 - Present) par toma Uberwenig

Le titre Supreme Blue Rose, s'impose comme une évidence à la lecture du recueil : ça parle (indirectement mais clairement) de Supreme, le Superman sauce Image créé par Alan Moore il y a de cela un bout de temps, et il y a des roses bleues plein dans ce qui s'impose, malgré mon désamour du terme, comme un graphic novel au sens strict, ancré dans l'univers comics tout en en cassant les code narratif pour entrer dans le roman policier psychédélique que ne renieraient probablement pas Philip K Dick, Grant Morrison et autres danseurs des Marges. Mais...
Les amateurs du film Fire Walk With Me, les amoureux de cette version onirique de l'univers de Twin Peaks auront tiqué dès le titre : Blue Rose, la rose bleue arborée sur une robe rouge par l'étrange "cadeau" de Gordon, le boss à moitié sourd - incarné par The Lynch himself - des agents spéciaux Ches Desmond et Dale Cooper, cette femme dansant de façon désarticulée et grimaçante. Ils se souviendront avec un petit frisson de cette rose bleue et de ses implications...


Pourquoi parler de Twin Peaks, comme ça, d'entrée de jeu ? Parce que le clin d'oeil s'impose comme l'une des principales références d'un Warren Ellis qui semble avoir retrouvé son groove, après de nombreuses, trop nombreuses productions bâclées et peu inspirées, en tout cas à titre personnel. J'en étais même venu à ne plus suivre le prolifique auteur de comics qui m'avait pourtant ouvert à la profondeur du medium, à la part d'ombre visitée par des labels exceptionnels comme Vertigo notamment, grâce à Planetary, son chef d'oeuvre - même si beaucoup semblent lui préférer le très bon Transmetropolitan -. J'y avais même vu peut-être quelqu'un de la trempe d'un Mark Millar, voire presque d'un Grant Morrison.


Si la suite allait tiédir mes ardeurs, pour se muer lentement en douche froide sur les gonades avec quelques écrits à peine passables, on retrouvait - de plus en plus rarement, certes - des fulgurances d'une époque passée, où Warren Ellis avait le sens de l'écriture et maniait amoureusement ses références en leur faisant honneur, ne se contentait pas de les cracher à la va-vite pour encaisser son chèque en fin de mois. Une époque où Warren Ellis avait un style.


Et c'est précisément ce que j'ai, à ma grande surprise, retrouvé ici! Dès les premières pages, le ton est posé : une interzone onirique où les temps, les dimensions, se croisent, un rêve prophétique surfant autant sur l'excellent Robert Anton Wilson que sur Philip K Dick ou Lynch, tout est là, et Warren Ellis a retrouvé son sens de la référence, et paradoxalement son style personnel à travers cet maîtrise de la référence.


Ouvrant sur un rêve qui n'en est pas un, une jeune femme pas très stable excellant dans son boulot de journaliste d'investigation mais mise sur la touche pour diverses raisons est sollicitée par un richissime excentrique clairement plus instable qu'elle pour retrouver Ethan Crane et enquêter sur une catastrophe qui a frappé la bourgade de Littlehaven.


Villes oniriques aux architectures impossibles, rencontres déterminantes à la lisière du rêve, personnages surréalistes cotoyant les habitants de la petite ville, paradoxes temporels, fissures du voile d'Isis, tout est là pour emporter le lecteur nostalgique de la période où l'on découvrait The Filth et les Invisibles de Grant Morrison - qui a quand même tenu la série X-Men en liberté totale pendant plus de quatre ans -, où l'on voyait chaque mois paraître un nouveau recueil de Garth Ennis sur les étals de nos libraires préférés, où Mark Millar redéfinissait l'univers Marvel grâce aux Ultimates - inspiration directe s'il en est une du Avengers de Josh Wheddon, tant thématique que scénique -, où l'on nous offrait le meilleur de Hellblazer sous la plume de l'exceptionnel Mike Carey, bref, cette époque où chaque volume était une promesse en puissance - tenue ou non -, où Fables changeait la donne volume après volume, où les rééditions de l'exceptionnel Neil Gaiman le disputait aux productions contemporaines, où l'audace régnait dans un monde qui n'avait plus besoin de se cacher derrière l'étiquette pompeuse "graphic novel" pour s'imposer dans l'univers de la BD. Le renouveau du comics.


Chaque volume était une promesse en puissance, tenue ou non. Et le nom Warren Ellis était gage de qualité. Il nous prouve ici que lui non plus n'a pas oublié cette époque bénie.

toma_uberwenig
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le 11 oct. 2015

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toma Uberwenig

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