Asperge le mytho
Le dédale nous égare : Ridley Scott, en retournant à ses premiers amours, ne nous en facilite pas nécessairement l’accès : retour du monstre, suite de son prequel, quête des origines, récit fondateur...
le 12 mai 2017
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Mon nom est Ozymandias, Roi des Rois.
Contemplez mes œuvres, ô vous les puissants, et désespérez..
La porte des enfers de Rodin détourné, le ton du film est donné, David est l’incarnation de Ridley Scott qui mettra bien à mal nos trop humaines croyances comme il le fait depuis la perte de son frère Tony Scott en commençant avec Exodus. Les puissants, au sens large, les Ingénieurs, les Dieux, et au-delà du film on peut même y voir le spectateur, les investisseurs du film, les politiciens..bref tout ce qui exerce un pouvoir entravant la liberté créatrice de l’artiste, sera attaqué.
Loin de tomber dans le piège du reboot bête et méchant qu'il aurait pû être, Covenant se fait hymne à la créativité et à l'art en général.
Mais à 81 ans, l'artiste semble vouloir autant régler ses comptes avec un monde qu'il ne reconnait plus, que de se défaire de ses liens malsains du dictate d’Hollywood.
Qu'on se le dise, si il a accepté de réintégrer l'Alien et d'abandonner le concept entier envisagé dans le film initial ("Paradise Lost" inspiré du poême de Milton, lui même inspiré de la Divine Comédie de Dante) c'est pour nous le faire payer cher, très cher.. et cela pour notre plus grand plaisir..
L’œil de David mais le point de vue de Ridley Scott :
Un oeil s'ouvre, celui de David..Arrive la première scène qui met en scène cet androïde et Sir Weyland face à l'Olympe, avec des interrogations face à la création (artistique, des divinités et de l'Homme).
David montre les premiers signes d'omnipotence quand il défie son créateur en jouant seul l'entrée des Dieux au Valhalla, alors que celle-ci a été écrite pour un nombre faramineux d’instruments. Il rappel brutalement son immortalité, jaloux d’une âme créatrice qu’il ne possède pas..encore. Ses traits deviendront plus tard les signes nets de perversion et psychopathie.
Ce constat est renforcé par sa contemplation de la statue de David qui est bien trop grande pour le gabarit de la pièce. Sir Weyland lui demandera même de lui apporter du thé frustré de sa propre impuissance face à la mortalité de l’espèce humaine. Cette remarque fait précisément écho à ce que David a répondu à la fille Weyland dans Prometheus dans un contexte quelque peu similaire.
La religion :
Rentrons dans le vif du sujet avec un vaisseau spatial, le Covenant, sorte de voilier intergalactique en route vers une nouvelle « terre promise », transportant 2000 colons et 1140 embryons humains.
A remarqué que Covenant signifiant "Alliance, Contrat, Accord.." comme l'Arche, ressemble étonnement à l'arbre séphirothique de la Kabbale.
Ils voyagent vers Origae 6 , qui signifie conducteur de char, cocher, guide.. en latin.
Y aurait-il une référence à la Merkabah, ce fameux Char Divin que vit Ezechiel et servant de base au Judaïsme et au Christianisme?
Jacob le chef de l'expédition, Daniels sa femme et Oram le chef en second seront présents rien qu'avec leurs prénoms Hébreux pour nous guider.
De plus, le copain de Daniels est fan d'escalade en montagne et le terme de ne pas faire de « varappe en solo » sera repris par le chef en second.
Celui même, qui, assumant une foi aveugle, mènera l'équipage au chao. Il refusera entre autre de faire le deuil des victimes de l'accident, car pour lui, c'est inutile et ne sert en rien aux objectifs immédiats de sa foi.
Quand aux Ingénieurs ne valant pas mieux, ils paieront le prix de l’idolâtrie et de leur « anthropomorphisme » narcissique exacerbé : cf visages géants et statues qui ne sont que des représentations d’eux-mêmes.
David contemple son créateur, l’Homme cherche le sien, les Ingénieurs semblent s’être auto-créés, ou du moins aveuglés par leur égocentrisme, au point de se poser en Dieux primaux détenteurs du secret absolu de la création, et de s’auto-contempler (à la façon plus indirect de certaines religions idolâtres humaines).
Je rappelle au passage la première scène avec en fond, l’Olympe, lieu de résidence des Dieux…à questionner…ou détrôner plutôt !
Nous retrouvons aussi un personnage avec l’étoile de David et un autre avec la croix chrétienne. Le clou de Daniels étant ce fameux clou, cette axis mundi qui permit la construction du 1er temple de Jérusalem, la crucifixion, et aussi utilisé planté dans une porte de chambre par les romains pour éloigner les cauchemars. Il finira planté dans le menton de David, redressé spirituellement le temps d’un bref instant permettant à Daniels de s’échapper..
Il est intéressant de noter que Daniels en tant que colon et fiancée de Jacob allait construire une cabane sur l’eau avec les matériaux de l’époque biblique…On peut y voir la construction d’un nouveau temple bâtit sur les eaux (représentants la demeure de l’inconscient et des démons dans l’ésotérisme).
« Que celui qui n’a jamais pêché me jette la première pierre » et c’est bien ce que David fera en attendant la naissance de sa création, souillant le sens premier du dictons de Jésus et se posant comme supérieure à ce messie d’opérette à ses yeux de robot malade. Au passage, David dira au capitaine en second avant que le facehugger ne lui bondisse au visage que les œufs attendent leur mère. Au-delà du fait que la mère directement évoquée est ici Oram, devons-nous aussi comprendre Reine ou Mother ordinateur du Covenant ? Ridley semble ici se laisser une marge de manœuvre pour la suite.
Donc non seulement dans les premiers épisodes, la deuxième lecture traitait de la peur de la sexualité d'Helen Ripley, de nombreux problèmes psychologiques de la femme vis à vis de la natalité et du rapport fille/mère, que maintenant Sieur Scott nous rajoute la religion..ou du moins, renforce cet axe.
Et ce n'est qu'une des lectures parmi tant d'autres, car comme dans un morceau de musique, les divers messages du film résonneront ensembles comme d'un commun accord "Covenant" afin de créer l'harmonie nécessaire d'une composition de très haut niveau.
Rappelons-nous aussi que c’est autant un préquel d’Alien qu’une suite de Prometheus.
Lucifer/Prométhée/Frankenstein :
Le mythe de Prométhée/Lucifer y est intégré lors de la première apparition de David, qui portera la lumière (de la connaissance) à cette équipage envoyé par R. Scott en enfer entreprendre le catharsis d’une humanité en perdition. La chose particulière est qu’en apportant la lumière, il chasse aussi les démons comme un Archange.. Pour qui se prend-il cet omnipotent psychopathe !
Concernant la référence à Frankenstein considéré comme le Prométhée moderne, il se trouve que sa première création était un automate flûtiste...Scène à double sens où David apprend la création via la sexualité à Walter, la flûte représentant le phallus et le dialogue est d’ailleurs assez drôle pour qui comprendra..
Hamlet
"Il y a quelque chose de pourri au royaume des Ingénieurs, et David va faire le ménage"
Lors de la purification de la juive dans le donjon de David, là où la version cinéma fait passer cela comme un simple acte de toilette, la version longue lui fait réciter la Chema Israël juste avant qu'elle ne perde la tête dans les eaux, assassinée par un Alien primordiale. Tête que le cinéaste nous montrera à 3 reprises flottant sur les eaux au côté de verdure, mais sans fleurs, tel Ophélie dans Hamlet. Ophélie qui se suicida quand elle apprit la mort de son père Polonius. Lui même tué accidentellement par Hamlet qui était en plus amoureux de la jeune vierge. Polonius fût chargé par le roi d'espionner Hamlet car son comportement de fou, volontairement joué par celui-ci pour préparer la vengeance du meurtre de son père, inquiétait son oncle fratricide, nouvellement roi du Danemark.
Ici, le réalisateur ajoute à l'horreur et au nihilisme de cet Alien un côté Shakespirien en y ajoutant une symbolique mélodramatique et une touche de romantisme. A l'image d'Hamlet, David vengea aussi le meurtre de son père, Sir Weyland ou/et l'humanité, quand il extermina la cité des Ingénieurs. Mais en plus de la pertinente ressemblance du tableau d'Ophélie de Millais, Gaston Bachelard poussa le concept plus loin en emmenant le concept d'Ophélisation d'un objet. En effet, celui-ci via le livre de George Rodenbach "Bruges-la-morte" projette son idée d'Ophélisation sur la ville de Bruges, ville d'eau qui autrefois si brillante, connue une fin de vie abandonnée dont seul persiste quelques monuments attestant de son antique richesse (cf poème "Ozymandias"). Nous avons ici encore, une métaphore sur l'humanité qui a détruit sa planète, mais surtout de la ville des ingénieurs dévastée par David. Le fait d'avoir choisi la symbolique de l'eau, tant pour la mort d'Ophélie que pour Bruges, emmène l'ambivalence de l'élément matrice de la vie qui peut aussi emmener la mort, entre autre et comme la substance noire des ingénieurs, tout comme le sperme apportant une vie..menant forcément au tombeau..Chose que David à le pouvoir d'éviter, et de ce fait, le rendant supérieur à tous ses créateurs.
La scène de la flûte, référence plutôt orientée vers l'automate flûtiste du Dr. Frankenstein, ne délaisse pourtant pas non plus une influence Shakespirienne. En effet, quand, Guildenstren, "l'ami" d'Hamlet, sous les ordres du roi Claudius, oncle fratricide du père d'Hamlet, vient pour tenter de lui arracher des aveux au sujet de son comportement troublant, Hamlet, pas dupe, proposa à celui-ci de jouer de la flûte. Celui-ci ne sachant pas en jouer, demande donc à Hamlet de lui expliquer comment cela fonctionne. Et tout en lui montrant la gestuelle à avoir, il lui précise que c'est aussi facile que de mentir. Guildenstern n'arrivant finalement pas à sortir quelconque mélodie, finit par se prendre la réprimande d'Hamlet qui lui fera comprendre la bêtise de son comportement en lui précisant que si il n'arrive pas à jouer de cet instrument, comment pourrait-il se jouer de lui? Ici, dans la scène de la flûte, R. Scott traite de la création, sexuée et au-delà, mais aussi fait donner une pique par David envers Walter venu grossièrement chercher des informations. Par cette seconde lecture, David en profitera pour justement lui apprendre à "jouer de la flûte" au sens propre comme au figuré dans l'espoir de le ramener à son camp d'Androïde perverti.
Enfin, rappelons-nous que Claudius tua le père d'Hamlet en lui versant du poison dans l'oreille...Etrangement, c'est par cet orifice qu'a lieu aussi la première contamination par l'arme biologique des ingénieurs, et la seconde, en reniflant naïvement un organisme inconnu. Nous avons donc une contamination émanant d'une réaction naïve et insouciante comme des enfants découvrant l'Eden...Nous comprenons bien de par le choix de ces vecteurs de contamination particulier que Ridley fait référence à l'environnement nauséabond de notre époque tant sur le plan de la pollution physique (nez) que celle plus psychologique (oreille).
Le nazisme :
Détail surprenant, en regardant la scène de l’ouverture de la voile solaire du Covenant, celle-ci s’installe en dessinant nettement une Croix de fer avant de se figer en carré.
Erreur de Walter qui fera réveiller l’équipage, coûtera la vie à des dizaines de colons et condamnera Jacob.
En effet, puisque l’acteur James Franco, le plus titré du film, Capitaine et époux de Daniels, meurt brûlé avant d’avoir pu ne serait-ce prononcer un mot, après qu’un Androïde, grand blond aux yeux bleus, ai déployé celle-ci.
David, le double maléfique de Walter, prêchera de surcroit l’eugénisme, en plus d’être fan de l’entrée des Dieux au Valhala, morceau de Wagner traitant de la mythologie nordique.
La référence à l’idéologie Nazi est ici lourde de sens.
Ozymandias :
Un peu plus loin, devant un décor rappelant le tableau de l'île des morts d'Arnold Böcklin, la référence au poême Ozymandias de PB Shelley, mari de Mary Shelley qui écrivit Frankenstein dont David fit l'erreur de confondre l'auteur avec Lord Byron, auteur de Don Juan, et proche du couple Shelley, avec la phrase clé de Walter rappelant à David qu'une seule erreur et la partition s'effondre.
A savoir que Mary Shelley est fille d'un certain Godwin...On est en plein dans le romantisme, le créationnisme macabre et à ce niveau du film, le point Godwin, nous l'avons de loin dépassé.
Cette scène est d’ailleurs à elle seule porteuse de l’idée majeure du film, car suite au Sonnet de Shelley, un flashback est placé racontant ce qui est arrivé aux habitants de la nécropole.
Si l’on ne cherche pas plus loin, c’est un simple raccord entre Prometheus et Covenant. Elisabeth et David arrivent avec le vaisseau de LV 223 (Lévitique 22.3..), David tue les Ingénieurs de la cité et on en ressort avec un grand « Pourquoi ? ».
Mais c’est une fausse piste, ou du moins si la question est posée au premier degré, la raison et la réponse à cette scène est encore une fois en deuxième lecture.
Il faut voir cette scène comme faisant écho au poême Ozymandias.
Rappelez-vous de la similitude entre son œil et la place centrale de la cité, et que ce sonnet est autant un pamphlet sur la tyrannie qu’une ode à l’art véritable.
Nous voyons donc maintenant plus clairement où Ridley Scott veut en venir. Le vaisseau des Ingénieurs en forme de queue de Scorpion et le vaisseau des héros de Prometheus (tête / pédipalpes du scorpion ?) se réfèrent assez nettement à l’image de ce poême, à savoir cette statue de Ramsès 2 sans buste au milieu d’un vaste désert.
Mais le point de basculement du film à surtout lieu quand David extermine toute vie de la cité Ingénieur. A partir de ce moment la Ridley dévoile totalement ses cartes. Il faut vraiment faire attention aux moindres images à ce moment précis car toute l’idée du film tient presque dans cette minute de vérité.
On voit des Ingénieurs levant la tête au ciel, heureux de voir un de leur vaisseau arrivé. Puis David leur envoi leur arme biologique.. « Anti-semence/Anti-matière »
Si vous êtes attentifs aux plans choisis, une des images montre la substance noircir la place centrale qui apparait alors comme un œil assombrit. Les ingénieurs sont terrifiés et meurent en mutant en Alien primordial. Le message est clair..Les ingénieurs sont le « mauvais » publique qui exigeait revoir un Alien dans le film, et aussi les investisseurs qui se sont alignés sur la demande de la masse, et contraint R. Scott a changé ses plans pour Paradise Lost.
Ridley fait parler David à sa place avec Ozymandias et fait clairement un affront aux attentes des personnes qui ont entravé sa créativité d’artiste véritable.
Vous vouliez des Aliens à l'ancienne, des réponses, en savoir plus sur les Ingénieurs ? Perdu ! Ou différé.. Dans ce film on a clairement à faire à un réalisateur en colère !
2017 L’odyssée de l’espace ?
La nécropole des Ingénieurs sous ses airs de Pompéï, en référence à l’œil de David, pose la scène. Cette image valide le fait que ce film est définitivement le point de vue de David/Ridley sur ce qu’il souhaite nous conter.
Cette technique cinématographique fût utilisée dans 2001 l’Odyssée de l’espace avec l’œil du super-ordinateur de Hal 9000 dessiné à l’image du Soleil, qui sera sur le fond, une des plus grande influence de Covenant.
Nous avons à faire avec ce film à une épopée artistique, psychologique, religieuse, humainement et spirituellement nihiliste qui se veut aussi subtile qu’élitiste dans ses références et messages.
Au niveau des acteurs, à part les androïdes, Daniels et brièvement le pilote, Ridley semble se désintéressé de leur sort, voir même s’amuse sadiquement avec eux à les faire parfois réagir plus par émotion que par raison, voir bêtement. Certains semblent même présents au casting seulement pour justifier la boucherie à venir.
On retrouve encore une fois un principe similaire usé dans 2001 l’Odyssée de l’espace qui rendait Hal 9000 plus humain que les acteurs réels tant sur le discours que sur l’intonation de sa voix.
Ici se cache une partie du sens premier de Covenant qui est une critique violente de l'humanité en générale. L'Homme ne mérite que peu de considération derrière la caméra de Ridley, seul l'androïde, et bien après, Daniels, ont son estime. L'Homme comme les Dieux ne sont pas bons, porteurs des vices dont la finalité est l'Alien. David finira d'ailleurs par les imités.. Pour le pire. C'est une dystopie face à la spiritualité, l'humain et leurs dieux. Seul le malsain et le macabre est sublimé et splendide
Take me home, Country roads :
Concernant le message de détresse d’Elisabeth Shaw qui est une sorte de bouteille à la mer, la chanson « Take me home, country roads » de John Denver parle de l’état de la Virginie occidentale, état rural et montagneux dont les communautés vécurent longtemps isolées. Cet état connait à ce jour un problème écologique certain, à cause des mines de charbon à ciel ouvert, ainsi que de graves problèmes sociaux-économiques et d’héroïne (un des états les plus pauvre des USA depuis que B. Obama a déclaré la guerre au charbon).
Nous pouvons y voir ici un autre axe de lecture du sens du film, renforcé par le discours de David, concernant une humanité dévastée par les problèmes écologiques et humains, cherchant désespérément un nouvel Eden où s’installer. La similitude du paysage montagnard de la planète des Ingénieurs (du moins une des…), la pollution engendrée par l’arme biologique et le relatif isolement des extra-terrestres du point de vue des êtres humains est très clairement à l’image de cette Virginie occidentale magnifique, souillée et anti-modèle américain.
La chanson sous-entendant aussi que le chanteur est loin de son état bien aimée, et traite sur fond de nostalgie, de la nécessité de revenir à ce presque paradis perdu tout autant qu’imparfait (Almost heaven,West Virginia..).
L'Homme qui fit sauter la banque de Monte-Carlo
Lorsque David se coupe les cheveux pour préparer son "coup d'état", nous l'entendons pousser la chansonnette au sujet d'un certain rentier qui fit sauter la banque de Monte-Carlo...Il s'avère justement que ce monsieur a existé. Il s'agît en réalité de Charles Wells, un escroc qui se fit passer pour un inventeur aux yeux de ses investisseurs, et allait ensuite jouer cet argent au casino...Nous avons la en quelque seconde seulement une attaque des plus violentes de R. Scott envers ses investisseurs qui l'ont contraint à changer ses plans et réintégrer l'Alien à des fins purement mercantiles. En effet, car les motivations des investisseurs étaient purement de confession capitaliste, c'est à dire basées sur le profit, contrairement au féodalisme qui était un système basé sur la rente. Mr Scott se fait ici héro féodale de la rente qui à travers le film a réussi à duper ces investisseurs capitalo-fascistes, assassins des libertés et des arts.
Lors de cette scène, David apparait dans son miroir comme monstrueux jusqu'à ce qu'il ne se coupe les cheveux. Nous pouvons donc à présent aisément comprendre, que David, représentant Ridley Scott dans le film, était perçu comme hideux tant qu'il ne se conformait pas à la médiocrité ambiante, aux désirs de la plèbe de fans, et des investisseurs qui feront leur argent sur ceux-ci. Ainsi, les cheveux coupés, signent la résignation de Sieur Scott à se conformer aux désirs de la masse. Toutefois, nous comprenons qu'avec la chanson, ça n'est que sur l'apparence qu'il va s'y conformer.
Les usuriers actuels sont les rois de jadis, et Ridley Scott, comme Shakespeare, Molière et bien d'autres, délivre ici critique et constat sur son époque ainsi que les puissances responsables des problèmes.
Au niveau psychologique, l'image affreuse qu'a David de lui-même tant qu'il porte les cheveux longs, le renvoi à son vide intérieur de robot malade. La perversion étant au sens premier le détournement de l'objet, et David représente celle-ci à bien des niveaux. En effet, à la base conçu pour être l'esclave de l'Homme, David finira par se rebeller contre ses "parents" (Lucifer..) et sortira du schéma pour lequel il a été conçu. L'on comprend aussi au travers de cette scène que tant qu'il ne ressemble pas à ses parents, ceux qui ont le pouvoir de la création sexuée, il ne pourra que se considérer comme horrible. Le miroir renvoi directement le problème du narcissisme, qui chez David est complètement défaillant.. par manque d'amour..mais aussi du fait que ses créateurs ne l'ont pas reconnu dans sa singularité. Exactement, les problèmes psychiques que l'on trouve, entre autre mais surtout, chez le pervers narcissique.
La comedia dell'arte :
Un énième axe de lecture pourrait y voir une critique de l’homme occidentale qui apporte misère et chaos armé de sa religion et ses vaisseaux maritimes pour asservir des peuples, annexer de nouveaux territoires et faire main mise sur les ressources naturelles.. Spécialité dont les européens/occidentaux n’ont plus rien à apprendre de quiconque.. Les 2000 colons nommés du « voilier » Covenant seront d’ailleurs présents pour confirmer cette autre hypothèse de lecture.
Je passe sur la relation de David à sa création, son enfant "l'Alien", son besoin de ressembler à sa perception de ses créateurs et son absence de mère qu'il finira par "épouser" à la fin du film (Mother), le fait que les oeufs sont une extension de la matrice d'Elisabeth Shaw dont David tomba "amoureux" sans avoir les moyens de procréer avec elle, et, qu'il considéra surement comme un substitut à sa mère en son temps, l'homosexualité et le désir d'amour de David, l’étrange ressemblance au chandelier à 7 branches des embryons de facehunger, le transport des colons dans des caissons cryogéniques accrochés comme la viande dans un abattoir, et l'apologie des oeuvres de Giger mis en scène tant dans l'exposition du corps d'Elisabeth, que dans l'exposition du laboratoire de David et la mise en scène des 2 premières morts par l'organisme.
Au niveau de l'ambiance, le malsain, l'angoisse, le beau, l'horrible, l'action et la découverte se côtoient habilement. Non, le suspens d’Alien est moins présent car on a trop vu la bête dans les précédents opus et ça n'avait plus d'intérêts de refaire du film de couloir et de suspens. On a affaire à une fresque horrifique unique avec Covenant. L'ambiance sonore accompagnant le tout à "merveille".
Après une lutte spectaculaire entre la création de David « l’Alien » et celle des Hommes « L’excavatrice volante », le film fini par se connecter à la 2e lecture de la saga originale avec l’excellente scène de la douche. Souvenez-vous que l'Alien représentait principalement la peur de la sexualité de H. Ripley, voir le viol. Nous voyons bien que les 2 victimes commettent l'insulte suprême face à ce gimmick freudien à savoir se reproduire.. Chose que l'Alien va nous rappeler en simulant la pénétration avec sa queue puis en tuant en premier l'Homme, en lui croquant la cervelle, au sens propre comme au figuré. Plus superficiellement la scène semble aussi vouloir être un clin d’œil aux 2 derniers morts du Huitième passager.
C'est la lutte finale :
A propos de la lutte finale contre l'Alien dans le Covenant, il y a clairement une inversion de concept vis à vis de la saga Alien. En effet, l'Alien qui était le chasseur devient ici le chassé. Un des autres axes de lecture d'Alien était d'ailleurs aussi de dénoncer l'abus du système patriarcale sur la femme, et cela jusqu'au viol. Dans Covenant, avènement du féminisme allant avec l'époque, la femme ici devient chasseuse et cet espèce de pénis macabre qu'est l'Alien subira une castration plutôt sévère.
Au sujet du développement de l'Alien, il semble super rapide et la durée d'incubation minimum très courte puisque il suffira au facehugger de quelques secondes pour pondre dans sa victime. Le réalisateur renforce ici le côté inexorable, hostile et ultra-violent de l'Alien. Il finira malgré tout, spectaculairement empalé et éjecté dans l'espace par une sorte de moissonneuse. Au premier degré c'est d'ailleurs le genre de "fatality" que l'on ne voit plus souvent au cinéma. Maintenant pourquoi Scott a t il choisi cette mise à mort aussi spectaculaire? Il semble plutôt clair, si l'on s'en tient à l'idée général du film et du pourquoi il a dû réintégrer l'Alien dans le film, qu'il a voulu mettre en image que l'Alien, c'est fini! On en a fait le tour. Place à David maintenant. C'est pour cela que l'on voit bien qu'il faut 2 camions de travaux pour en finir avec cet Alien qui s'accrochait à tout prix à sa survie, tant dans l'histoire que dans l'imaginaire supposé des fans et le porte-feuille des investisseurs ayant contraint Ridley de réintégrer l'Alien. Le véhicule, avec une fourche certainement agricole faisant penser à une moissonneuse, est aussi un véhicule bien choisi pour appuyer le second degré du message qui dit bien fort aux fans et investisseurs après s'être pris le bombardement de David sur la place centrale : Vous récoltez ce que vous avez semé! Quel marrant ce Scott!
L'Oedipe/Electre de David :
Cependant, sous sa dynamique négative, David aura toutefois un impact "positif" sur l'humanité, car en accomplissant le meurtre du "père" de l'humanité en relâchant la matière noire sur les Ingénieurs, il venge aussi celle-ci qui était devenu l'enfant à abattre et surtout son père direct, le "roi d'une multinationale" : Sir Weyland. Maintenant en prenant plus de recul, rappelez-vous que David a dit dans Prometheus "Chacun désire le meurtre de ses parents". Ce qu'il fera en détruisant les Ingénieurs, les humains et son substitut de mère Elisabeth Shaw..En gros toute sa lignée parentale organique adeptent de religions patriarcales.. Ici, règne une ambivalence entre les mythes d'Electre et Oedipe revisités qui prennent un aspect nouveau du fait de la condition spécifique de David, Androïde mâle créé par la technologie humaine. Cependant, l'Oedipe dominera de façon générale dans la psyché de David qui tuera son père 'l'humanité", et même le père du père "les Ingénieurs" et finira par épouser Mother, ordinateur du Covenant, qui va lui permettre d'enfanter ses "enfants", les Aliens. On a clairement un Oedipe d'un nouveau genre qui trouve sa résolution dans la création bio-mécanique. Ce qui est une magnifique image de la psyché de Giger qui engendra ces mêmes oeuvres bio-mécaniques.
Alien Covenant est donc une œuvre d’art à part entière, un OVNI, un blockbuster d’auteur, que l’on aimera ou détestera, mais ne devant rien à personne et encore moins à un publique qui aurait commis l'irréparable erreur de vouloir s'identifier à un personnage humain dans une fresque magnifiquement nihiliste et unique sur l'Homme.
Mon avis personnel sur ce film ne tient simplement qu’en une phrase :
« J’admire sa pureté. Un survivant qui n'est pas souillé par la conscience, le remord ou les illusions de la moralité, et sa perfection structurale n'a d'égale que son hostilité…. » Ash
A bon entendeur...
Créée
le 7 avr. 2023
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