Voir Antichrist après Nymphomaniac est très instructif ; on comprend bien plus les innombrables réserves quant à ce dernier opus, voire les réactions épidermiques qu’il peut provoquer pour tous ceux qui auraient vu les films de LVT dans l’ordre, même si Melancholia aidant, on pouvait envisager un certain apaisement des esprits.
C’est d’autant plus vrai que ce film entame son récit dans un cadre très proche de Nymphomaniac : un traumatisme (ici, identifié) laisse la protagoniste alitée face à un personnage masculin analytique et thérapeute, ici le mari et père. Les situations discursives qui en découlent, la tentative assez maladroite de tout expliquer cliniquement, l’ironie lucide de la patiente, les dissertations sur la douleur et le sexe comme éventuel palliatif… Les passerelles sont multiples.
Et comme toujours, LVT soigne particulièrement son prologue, tout en ralentis, noir et blanc chatoyant et destruction méthodique d’un cadre : les objets, les corps, la famille : tout se brise dans la beauté.
Seulement voilà, la deuxième partie du film rompt tout l’équilibre précédent par une exploration du film d’épouvante sataniste complètement délirante. Tout y passe, rien ne nous est épargné, et l’on reconnaît bien là le LVT immature et provocateur des grands jours.
Il faut lui reconnaître, dans les premiers temps, un certain talent à filmer la forêt et l’agencement des sons sourds, des racines et du ciel offre certaines constructions picturales du plus bel effet, qui lorgnent assez du côté de Lynch.
Maintenant, le grand guignol de la dernière demi-heure, salmigondis fausto-erotico-sado-maso-horrifico- occulto-gore vire au grand n’importe quoi. Difficile, vraiment, de déceler une écriture sensée dans ce collage abscons dont la seule motivation semble être la gradation dans l’ignominie.
Pour sauver tout cela, il serait peut-être judicieux de considérer le film comme une comédie : après tout, aller jusqu’à montrer en gros plan le découpage aux ciseaux rouillés d’un clitoris, castrer un homme avec une buche, lui faire éjaculer du sang ou lui visser une meule au mollet, c’est sur le papier suffisamment extrême pour qu’on y décèle une intention parodique.
…et plus encore lorsqu’on constate que le film est dédié à Andrei Tarkovski.
A ce titre je crois que j’en garderai un souvenir plutôt agréable, en en isolant une séquence qui m’a vraiment fait éclater de rire : celle où le renard regarde Willem Dafoe et ouvre la bouche pour lui dire « Chaos reigns ! ».
Donc :
- 1 point pour le prologue,
- 1 pour la photographie,
- 2 pour le renard.
Sergent_Pepper
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le 12 janv. 2014

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