Gloubi-boulga
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Chef opérateur sur Koyaanisqatsi de Godfrey Reggio en 1982, Ron Fricke en reprend le principe dans sa propre création : soit un documentaire procédant d’un collage d’images glanées à travers la planète, dénué de toute prise de parole, et offrant un vaste panorama qui serait à même de donner un aperçu de ce que serait l’humanité et la Terre qu’elle habite.
La beauté des images est évidemment la porte d’entrée d’une telle entreprise : les paysages sont splendides, l’exotisme est la norme, car s’il s’agit de donner un aperçu des 6 continents, l’Europe ou les Etats-Unis (à l’exception d’images des parcs nationaux) sont très peu représentés. Ode muette à l’étendue éclectique d’un monde que l’on croit connaitre, le film se visionne donc, a priori, comme on feuillèterait un beau livre, ou Géo magazine : avec émerveillement, et en fantasmant des voyages qui commencent ici de façon immobile.
Pourtant, une structure se dessine, dédiant au montage la capacité à générer une trame, et in fine un véritable discours. A la nature succède la présence des hommes dans leurs rites sacrés, et l’amorce d’une descente vers la civilisation, où le time lapse va restituer cette fourmilière frénétique qu’est la vie moderne, dans l’héritage direct de L’homme à la caméra de Vertov ou de Koyaanisqatsi, justement. Si les images ne sont donc pas particulièrement originales (trafic routier, foules dans les transports, travail à la chaine), le travail de montage interpelle, notamment lors d’une scène qui capte les déplacements accélérés dans un hall de gare et les synchronise avec des percussions qui semblent littéralement disséminer les silhouettes aux quatre coins de la ville.
Le parcours de poursuit donc vers les abimes : la misère, la guerre et le résultat des génocides : alors que de nombreux portraits en plan fixes demandent à divers représentants des citoyens de prendre longuement la pose, les clichés des mémoriaux des victimes du nazisme ou des khmers rouges prennent, le relai, témoins d’un passé d’autant plus tragique qu’à l’époque des prises de vues (1992), le génocide rwandais est encore à venir.
Cette arythmie prépare l’épilogue : la frénésie de la vie, le chaos de la destruction, avant la tentative d’apaisement dans de nouvelles prises de vues qui donnent à voir la civilisation par les vestiges : cohabitation des pierres et du sable, des palais et de la végétation qui reprend ses droits, et des rites funéraires qui mettent l’homme en contact avec tout ce qui le dépasse. La vie d’un individu, et par extension l’humanité vues comme des parenthèses éphémères dans une temporalité, celle du cosmos, qui les enveloppe et les dépasse : tel est le réel propos de Baraka, qui, s’il n’atteint pas le surplomb stupéfiant du film de Reggio (probablement à cause de sa bande originale bien moins inspirée que celle de Philip Glass, même si le recours à deux morceaux de Dead Can Dance est plutôt salutaire), donne tout de même matière à réflexion par la force averbale de l’image.
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le 20 oct. 2020
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