Bonjour madame la directrice,
Je viens vers vous pour mon rapport hebdomadaire sur la crèche Les petites bobines.
Je suis au regret de vous annoncer que le petit Roland Emmerich a une fois encore cassé un lot de jouets. Les vaisseaux spatiaux, cette fois-ci. Il est intenable depuis que son meilleur ami Michael Bay garde pour lui les Tortues ninjas et les Transformers (il faudrait d’ailleurs en racheter un lot, il les a complétement usés). Le petit Spielberg ne sort plus de la bibliothèque et s’est pris de passion pour Roal Dahl. Nous craignons que cela ne bride son imagination. Quant au petit Onteniente, au risque de me répéter, madame, il n’a pas sa place chez nous, il doit être placé en institut spécialisé. Il nous a refait une crise maillot de bain / blagues de Bigard. Les autres petites bobines pleurent en sa présence.
Mais si je vous écris, c’est surtout pour vous parler du petit Zack Snyder. Il a toujours été pour nous une source d’enthousiasme. Rappelez-vous comme il nous a amusés quand il s’est mis à rejouer les péplums qu’il regardait avec son père ? Avec un slip et un drap noué autour du cou, il nous faisait toute une histoire.
En atelier d’arts plastiques, il a réussi à tenir toute une séance juste avec des tests de Rorschach.
Par contre, nous n’avons jamais compris sa subite passion pour les hiboux. Et puis, il a fallu que nous nous fâchions quand il a pris les poupées Barbie. Il en a abimé un bon paquet en les utilisant comme samouraï, guerrière…
Et il y a eu cette fois où il a recommencé à mettre un drap autour du cou et un slip. Sauf que cette fois, on lui a fait mettre sur le pantalon, nous étions en hiver tout de même.
Peut-être avons-nous cassé là son entrain. Enfant si enjoué, il est devenu ennuyeux. Son Superman a plombé l’ambiance. Soit dit entre nous, nous lui demandons parfois de le refaire pour endormir les plus coriaces à la sieste.
En vérité, nous nous demandons s’il n’est pas jaloux du petit Nolan, qui était si adorable quand il jouait avec son Batman. Je dois dire qu’il était devenu le chouchou de la crèche à ce moment-là. Peut-être Zack a-t-il fait Superman pour attirer de nouveau notre attention ? Sûrement. Sauf que cela a empiré les choses : ses camarades l’ont boudé.
Depuis, Zackounet a régressé. Il n’est plus propre. Nous, excusez-moi l’expression, baignons dans la merde. Il adore monter sur le trône, mais ne veut rien lâcher. Et il boude quand on lui propose une couche de bon sens. Il préfère tout salir. Il met ses selles partout, dans le moindre interstice, dans le moindre détail.
Il fout sa merde au sens propre ( ?) comme au figuré. Zack a demandé à ses copains de choisir entre Superman et Batman, entre lui et Christopher. Il y a eu des bagarres. Mais Christopher n’aime pas se battre, alors il s’est mis à ressortir les vieux jouets du petit Kubrick. Et dès qu’il a eu le dos tourné, Zack a piqué la figurine Batman. Et il l’a complètement abimée. Elle est méconnaissable. Il l’a tellement écrabouillée qu’on dirait un monsieur patate cramé.
Comme ça ne suffisait pas, il a multiplié les cacas nerveux et s’est mis à courir dans tous les sens, sans aucune logique. Il a sorti Willy, le poisson rouge de la crèche, de son bocal et lui a dessiné des motifs tribaux au feutre indélébile, avant de le jeter dans les toilettes. Il a aussi introduit notre figurine du Père Noël dans une prise électrique. Et nous ne comprenons toujours pas comment il s’est procuré une poupée vintage de Xena la guerrière.
Bien entendu, toutes les figurines devront être passées à la Javel.
Plus personne ne veut rester avec lui. A tel point qu’il a fini par demander au petit Emmerich de jouer avec lui. Et ce qui devait arriver arriva… Il ne reste plus rien des jouets. Résultat, Zack est venu nous voir en pleurant, son Superman brisé en deux, et en nous demandant si on pouvait le recoller.
Il était tellement triste que nous avons accepté. Du coup, pendant que la colle sèche, il prépare un nouveau jeu avec Batmonsieur patate cramée, Xena, le père Noël électrifié et un Nemo avec du stylo (Simon Wincer a tiré la chasse avant que nous ne récupérions Willy, pour le « sauver »).
Je ne vous cacherai pas madame la directrice que nous hésitons à lui rendre son Superman. Nous en sommes à notre troisième lessive aujourd’hui.
Cordialement