Boogie Nights est une fresque bouillante sur la destinée d’un jeune homme Eddie Adams, détesté par sa mère, trouvant une vraie famille dans une communauté d’acteurs et d’actrices pornographiques. Acteur reconnu pour ses performances devant les caméras des 70’s, la gloire n’a qu’un temps et l’arrivée des 80’s sera comme le début de l’enfer. Paul Thomas Anderson, pour seulement son deuxième long métrage, démontre une qualité monstrueusement incroyable pour retranscrire une époque, notamment celle des 70’s avec ses colorations psychédéliques, cet engouement artistique, cette liberté sexuelle totalement jouissive ou cette bande son rock’n’roll un brin cheap. Visuellement, le film nous happe d’entrée de jeu avec un plan séquence majestueux comme sorte de résumé de toute cette ribambelle de personnages qui habitent ce film, notamment les excellents Mark Walhberg et Burt Reynolds. Les mœurs sont légères, l’imagerie vintage n’est jamais plombante, les femmes sont toutes magnifiques, la piscine est chaude, le soleil brille, les cris de jouissance pleuvent, les grandes maisons invitent tout un tas de personnes pour arranger d’immenses fiestas. Tout ça n'a qu’un seul but : faire vivre le cinéma, leur propre vision du cinéma, avec dignité et plaisir. Mais après l’amusement vient les responsabilités. Dans les années 80, les sourires deviennent des pleurs tragiques, les coups de feux vrombissent, les coups de poings heurtent les esprits, les masquent tombent et derrière la gloire se cache le coup du bâton notamment de la part de cette société pas des plus bienveillantes en ce qui concerne l’activité pornographique.
Ce plaisir, cette luxure, cette drogue, ce monde de paillettes engendrent des dommages collatéraux inéluctables. Derrière ces personnages, c’est surtout une retranscription d’époque et de mœurs à la fois sombre et fébrilement magique qui s’installe devant nous. PTA voit aussi, par le biais de Boogie Nights, le changement artistique de l’artisanat du porno, emporté par ses dérives de business, qui au lieu de rester un art érotique et charnel devient l’héritier de la société de consommation où tout est vulgaire, où la violence est de plus en plus exacerbée pour faire de l’argent ou tout est factice (la chirurgie esthétique et les immenses poitrines remplacent des femmes au vrai sex appeal - Julianne Moore, est un régal pour les yeux comme on en voit peu au cinéma-). La chute vertigineuse du destin de ces hommes et femmes, où le plaisir d’être ensemble avec cette insouciance presque communicative devient de plus en plus sordide, pour presque tomber dans la dépravation et le voyeurisme. D’ailleurs en regardant Boogie Nights, on y voit des similitudes avec un film qui sortira quelques années plus tard en la personne de requiem for a dream même si Boogie Nights n’a pas cette touche racoleuse que peut avoir l’œuvre de Darren Aronofski. Au final, Boogie Nights un somptueux film, visuellement impeccable, à la frénésie sexuelle réjouissante et à la drôlerie presque ténébreuse.