Eden
5.5
Eden

Film de Mia Hansen-Løve (2014)

Si l’on me proposait un chèque, si l’on faisait appel à ma fibre patriotique, si l’on me demandait de défendre la jeunesse du cinéma national, si l’on me menaçait avec un objet contondant, je pourrais sans peine défendre Eden.
Pour qui aurait apprécié les deux premiers films de Mia Hansen-Løve, on retrouve cette obsession discrète pour ce mystère opaque qu’est la destinée sentimentale ; traité avec une distance mêlée de grâce et un respect pour l’indicible, voyant défiler dans le temps (comme dans Un amour de Jeunesse) un individu qui n’a pas le recul de la cinéaste pour prendre la mesure des vagues qui l’assiègent, et souvent l’érodent.
Le projet d’inclure cette trajectoire au sein de la fébrile vague French Touch des années 90/2000 a tout d’un projet excitant, d’autant que la réalisatrice y raconte la destinée de son frère, coscénariste du film. Aux soirées géantes, aux raves collectives, aux infrabasses vibrantes, elle accole le parcours intime d’un de ses chefs d’orchestre voué à sombrer dans l’oubli, par le prisme de ses amours, son rapport à la drogue, l’argent et la nuit. A l’ascension fulgurante des Daft Punk, qui émaillent le film d’apparitions de plus en plus fugaces, elle oppose la descente d’un inadapté que la musique enferme.
Aisé, donc, de saluer toute l’entreprise. Mais ce mélange des genres est justement le principal handicap du film.
Un biopic, qui plus est générationnel, appelle un souffle, une immersion qui fait cruellement défaut. On en vient à regretter le formatage à l’américaine sur ce genre de sujet (dont je me plaindrais sans doute si je le retrouvais….), qui a au moins le mérite de distiller en enthousiasme et de restituer la fièvre d’un instant dont on veut faire percevoir la singularité.
Ici, la platitude est confondante. Alternance mécanique de soirées et d’histoire de bande, mais surtout de couple, sans aspérité, joué avec une distance qu’on se bornera à qualifier de française pour ne pas être trop grossier, le film se déroule sans qu’on y décèle jamais un véritable propos, une quelconque vibration (ce qui, vous en conviendrez, est pour le moins gênant dans un récit traitant de la French Touch).
Les conséquences sur la longueur en sont fatales : les 2h11 du film sont proprement interminables, et il faut attendre les 20 dernières minutes pour que le personnage prenne dans son échec patent une véritable épaisseur.
La jolie mise en scène de Mia Hansen-Løve, non ostentatoire, fondée sur des poursuites dans la foule et la musique tonitruante, a beau s’échiner à capter les corps et sonder les cœurs, rien ne transpire vraiment.
Objet ambitieux, vaste et bondé comme un boite de nuit parisienne, Eden semble prometteur et branché, mais refuse l’entrée à un très grand nombre de spectateurs, qui se les gèlent très longtemps devant sa porte avant de rentrer chez eux, dépités.

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le 24 nov. 2014

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Sergent_Pepper

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