Quand le jour de la marmotte rentre en guerre
Pour son nouveau film, Tom Cruise ne quitte pas le domaine de la science-fiction, un an après Oblivion de Joseph Kosinski (le réalisateur à qui nous devons Tron : l’Héritage). Le comédien revenu en force en 2011 avec le quatrième opus de Mission : Impossible (Protocole Fantôme) s’associe avec le réalisateur Doug Liman (La Mémoire dans la Peau, Mr. & Mrs. Smith, Jumper, Fair Game) pour adapter un roman japonais (qui a également eu droit à une version manga), écrit par Hiroshi Sakurazaka et intitulé All You Need Is Kill. Renommé Edge of Tomorrow, ce divertissement est-il le blockbuster idéal pour démarrer cette période estivale ?
Dans un futur proche, des soldats tentent de reconquérir une partie de l’Europe, envahie par une race extra-terrestre. C’est dans ce contexte que toutes les forces sont mobilisées, et dans le lequel le major Bill Cage (Tom Cruise) va se retrouver contre son gré sur le champ de bataille, ne pouvant éviter la mort. Cependant, après avoir perdu la vie, il se réveille mystérieusement, un jour avant que le combat ne commence. Et cette faille temporelle se répète et se répète à chaque fois qu’il succombe. Ce qui va lui permettre, avec l’aide de la tueuse d’élite Rita Vrataski (Emily Blunt), de gagner de l’expérience mais également de trouver le moyen qui pourrait mettre un terme à cette guerre.
Le renouvellement, l’éternel recommencement… le cinéma a déjà usé de ce thème plusieurs fois dans ses œuvres. Attention, nous ne parlons pas de voyage dans le temps ! Juste la trame d’un personnage qui revit constamment la même journée, le même instant. Vous voulez des exemples ? Le plus connu étant Un jour sans fin, d’Harold Ramis et avec Bill Murray (ah, le célèbre jour de la marmotte !). Et le plus récent ? Source Code, de Duncan Jones, avec Jake Gyllenhaal. Difficile donc de se renouveler.
Mais en voyant les premières images du film, on sent d’emblée qu’Edge of Tomorrow ne cherche pas à révolutionner le genre. Juste à divertir. Et en ne se concentrant que sur cela, le long-métrage remplit aisément son cahier des charges, notamment en proposant un scénario qui, à défaut d’être intelligent, tient admirablement la route. Qui ne se montre à aucun moment redondant (revivre les mêmes scènes auraient pu l’être). Usant de cette répétition pour afficher un second degré inattendu et franchement bienvenu (pour dire, on se marre souvent). Mettant en avant un personnage principal qui sort de l’ordinaire, n’ayant aucunement l’air d’un héros ni d’un dur à cuire (mais d’un lâche, d’un peureux). La patte du scénariste Christopher McQuarrie (Usual Suspects, réalisateur de Jack Reacher) se ressent énormément ! Il est tout de même dommage que le scénario, repris en mains par Alex Kurtzman et Roberto Orci (des habitués des blockbusters à la Star Trek et Transformers), n’évite pas certains clichés du genre (la romance naissante, certains passages à l’américaine…) et bouclant la fin en moins de deux. Mais vu le résultat que nous avons-là, il serait sévère de chipoter autant.
D’autant plus qu’avec un tel scénario, qui ne cesse de faire des transitions temporelles, le tout avec efficacité et humour, Edge of Tomorrow se devait d’avoir un montage à la hauteur de ses ambitions. Ce dernier se montre fluide, permettant d’enchaîner les séquences sans que l’on ne s’ennuie une seule seconde. D’ailleurs, sur le plan technique, le film est plutôt réussi. Que ce soit sur les effets visuels (dans la moyenne de ce qui se fait de nos jours) ou encore l’immersion du spectateur dans les séquences d’action (certains reprocheront le manque de musique, de bande originale, mais c’est pour mieux mettre en valeur les bruitages et donc cette fameuse immersion). Après, Edge of Tomorrow n’est pas non plus une grande claque, n’étant pas vraiment spectaculaire (n’en met pas plein la vue). Mais suffisamment divertissant et bien maîtrisé pour que nous nous laissions prendre au jeu sans résistance. Et ainsi apprécier la performance des acteurs, qui s’investissent comme il faut (voir Emily Blunt en soldat bad ass vaut son pesant de cacahuètes, revoir Tom Cruise dans un registre de second degré est fort appréciable).
Après, il se peut que le film déçoive ou gène les fans du livre et/ou du manga. En ayant consulté un ami qui les a lus, je peux désormais vous dire que le film diffère de ses modèles et ce sur pas mal de points. Mais en même temps, adapter une œuvre ne veut pas dire faire un copié-collé. Et cela, le film l’assume dès le titre (peut-être pour marquer la différence qu’All You Need Is Kill est devenu Edge of Tomorrow). Tout en se présentant comme un long-métrage qui veut livrer son lot de références. Aux jeux vidéo, de par son concept (le renouvellement faisant penser au bouton Reset d’une console, ou encore au game over qui vous fait recommencer un niveau ou une partie pour que vous réussissiez en évitant les obstacles qui vous ont eu précédemment) et quelques détails (des casques sur lesquels sont tatoués des crânes, comme les foulards de Call of Duty – Black Ops). Au cinéma de James Cameron (la présence de Bill Paxton au casting, les exosquelettes que l’on croirait sortis tout droit d’Avatar, les soldats américains à la Rambo comme dans Aliens). Au Débarquement de Normandie de 1944 (les séquences de batailles sur les plages françaises, le fait que le film sorte durant la période du Débarquement).
Sans doute pas le film de l’année, mais le blockbuster idéal pour commencer l’été. Edge of Tomorrow est là pour nous faire oublier les grosses déceptions en matière de divertissements hollywoodiens, que nous avons connues depuis janvier (The Ryan Initiative, 300 : la Naissance d’un Empire, 47 Ronin, Need for Speed, The Amazing Spider-Man 2). Amusant, divertissant et bien travaillé. Tout ce que l’on attend d’un film de cet acabit !