Un retour en grandes pompes à la satire horrifique

Jason Blum et sa maison de production Blumhouse n’ont décidément plus rien à prouver ! Hormis quelques dérapages incontrôlés (par exemple, Lazarus Effect), le bonhomme a su se tailler une réputation hors normes de financier lucratif, offrant un budget moindre mais plus de libertés à des réalisateurs en perdition (James Wan et son Insidious, Scott Derrickson pour Sinister, M. Night Shyamalan avec The Visit et le récent Split). Et même s’il s’est intéressé à d’autres genres à droite à gauche (comme en témoigne Whiplash), c’est bien dans le domaine de l’horreur que Blum s’est fait un nom. Et comme si cela ne suffisait pas, l’année 2017 le montre une fois de plus avec son dernier carton, ayant fait des ravages de l’autre côté de l’Atlantique : Get Out. Un nouveau titre horrifique qui a beaucoup fait parler de lui et qui n’est pas prêt de passer inaperçu chez nous, c’est pour dire !


La première chose qui frappe avec Get Out, c’est que nous sommes – très très très très – loin des films d’horreur lambda de ces dernières années. À savoir du divertissement pur et dur, ne faisant qu’user jusqu’à la moelle des thématiques déjà traitées mille fois (la possession, la maison hantée, le serial killer…) sans jamais chercher à apporter du sang neuf à l’ensemble. Non, avec ce long-métrage, le réalisateur Jordan Peele s’aventure dans les pas de George Romero et John Carpenter en livrant un thriller d’angoisse à connotation satirique. Pour cela, il prend un sujet d’actualité (le racisme) et bâtit son histoire à partir de cette base pour étoffer une intrigue pour le moins prenante, captivante et efficace. Mais aussi pour dresser un portrait peu enviable de la société américaine (voire même du monde « civilisé ») qui, par moment, donne l’impression de n’être jamais sortie de la terrible époque de l’esclavage. Il est vrai que c’est dernier temps, beaucoup de films se sont lancés sur ce sujet. Et si quelques-uns ont su se démarquer par un savoir-faire indéniable (12 Years a Slave, le récent Les Figures de l’Ombre), ces films n’ont été que pédagogiques et monotones à la longue. En parlant de ce sujet via le cinéma d’horreur, Jordan Peele parvient à lui donner une toute autre envergure et donc une nouvelle façon de l’aborder de manière universelle (le genre horrifique étant un type de divertissement populaire au possible). Une excellente idée qui porte grandement ses fruits !


D’autant plus que le réalisateur ne s’arrête pas à son postulat et surprend l’assistance par une mise en scène maîtrisée. N’usant des jump scares que très rarement (on doit en compter 2-3 dans tout le film, à tout casser !), il préfère faire à l’ancienne : prendre son temps pour dessiner son intrigue et présenter ses protagonistes afin de les rendre attachants, et démarrer une montée en puissance de la tension pour prendre le spectateur au dépourvu. Notamment par le biais d’une ambiance qui rappelle fortement les films d’horreur d’antan et d’une photographie somptueuse, qui se permet quelques élans poétiques (les séquences d’hypnose, l’agression en guise d’introduction filmée telle une danse…). Sans oublier des comédiens tout à fait crédibles et une bonne note d’humour placée là où il faut (jamais en surdose), vous obtenez la meilleure satire horrifique depuis belle lurette ! Et, encore une fois, il y a de quoi être étonné devant tant de maîtrise avec un aussi petit budget (production Jason Blum oblige), alors que d’autres titres loupent lamentablement le coche pour plus onéreux que ça !


Pourtant, à en croire ce que je dis de Get Out, la note de la critique devrait être beaucoup plus élevée qu’elle ne l’est. Malheureusement, le film perd un peu de sa saveur à cause de tout le tapage fait autour, surtout sur son étiquette de « long-métrage d’horreur basé sur le racisme ». Et pour cause, en sachant cela avant le visionnage, l’intrigue et ses divers retournements de situations se laissent deviner beaucoup trop facilement. Ce qui, pour le coup, fait du tort au suspense, empêchant les spectateurs difficiles (je me range dans cette catégorie, je ne le nie pas !) d’entrer complètement dans le film et de plutôt s’arrêter sur quelques défauts. Comme certaines longueurs discutables pouvant provoquer l’ennui et un final certes jouissif mais terriblement téléphoné, pour ne pas dire sorti de nulle part (la violence qui se dégage du personnage principal semble avoir été ajoutée à son trait de caractère pour justifier ce climax).


Mais mis à part cela, il n’est pas nécessaire de chipoter d’avantage pour admettre les faits : Get Out mérite amplement le coup d’œil ! D’une part parce qu’il est sans conteste un thriller horrifique de bonne facture qui saura divertir comme il se doit. De l’autre car il pointe du doigt le racisme d’une manière cinématographique jamais osée jusque-là dans le cinéma populaire. Et de la part d’un humoriste (Jordan Peele étant co-créateur de la série à sketches Key & Peele), voir une œuvre aussi aboutie et ambitieuse que Get Out apporte un vent de fraîcheur dans un paysage horrifique dominé que par l’avidité des producteurs ou bien la suprématie – amplement méritée – de James Wan dans ce domaine.

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le 11 mai 2017

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