Basse Tension Après le Twist
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2002 : le cinéma horrifique est au point mort dans l’Hexagone et la tentative Promenons-nous dans les bois n’a pas su inverser la tendance, puisqu’au contraire et selon une symphonie de critiques accablantes, elle achevait de démontrer l’impuissance française à s’incruster dans le cinéma de genre. Alaxandre Aja débarque alors, après son discret essai Furia et va combler les attentes des cinéphiles. La critique ne va pas mesurer l’ampleur de la réussite en puissance, le public allègrement la snober ; à l’étranger, c’est un succès. Cela conduit Alexandre Aja à migrer aux Etats-Unis ou il tourne le remake de La Colline a des Yeux ; plébiscite mondial. Mais c’est trop tard ; la France vient de perdre un potentiel lieutenant de la vague horrifique qui s’apprête à timidement émerger avec des auteurs comme Du Welz ou Laugier, faisant le bonheur d’une certaine population cinéphage désespérée.
Mais revenons à Haute Tension et demandons-nous pourquoi celui-ci est parvenu à s’imposer comme une référence du genre. Le second film d’Aja est une oeuvre puissante et radicale, cultivant une esthétique du sang, du trash, rendant l’expérience aussi éprouvante que stimulante. La force de l’oeuvre, c’est d’embrasser l’horreur avec une absence totale d’allégeance pour ses codes contemporains ; elle monte sur le terrain comme si le genre était vierge, comme si l’horreur était à faire. Aussi, elle s’attelle à ses bases pour la croiser, elle, l’horreur absolue, et pas sa copie conforme. Aja fait ainsi se croiser une sorte de réalité gênante parce que triviale et une autre bien plus glauque et pourtant tout aussi rationnelle.
Cette approche, ce côté rentre-dedans, déshinibé, épuré et sans contraintes, cultivant l’essentiel pour aller droit à l’estomac, droit aux peurs primales, n’est pas loin de consacrer Haute Tension comme le survival parfait. Aja s’est nourri des classiques du genre (au plus explicite, Halloween et Massacre à la tronçonneuse) et retrouve une hargne qui manque cruellement au cinéma horrifique depuis des 70′s si offensives et impudiques. Son produit inspire une terreur viscérale et la mise en scène, sèche et soignée (l’esthétique, même lorsque le contexte est excessif, participe totalement du malaise), facilite une immersion totale au spectateur en le forçant à ne regarder qu’un enjeu et s’y accrocher quoiqu’il advienne.
Dommage qu’une réponse typique du genre intervienne en guise de twist. Le sentiment de l’auditoire est alors paradoxal : d’abord, il semble évident que cette issue soit un relatif gâchis (de l’excroissance monstrueuse on retombe sur des terres et des notions très codifiées, très familières, dont l’effet est neutre). Et il faut le reconnaître, cette conclusion sape tout ; sauf qu’en même temps, une telle résolution grandit les protagonistes du film et fait montre d’une cohérence (psychologique) imparable. Dès lors, force est de constater que l’idée d’un conflit intérieur (le tueur est comme le masque dénigré par la conscience qu’emprunte les pulsions interdites d’une jeune fille) a rarement été si bien exploité, notamment dans ses aspects graphiques. Le personnage pilier est donc suffisamment trouble pour éviter à ce qui aurait pu être un écueil de faire chavirer le film vers la banalité ; au contraire, c’est une démonstration de maître que de décevoir avant que le recul nous enseigne le comble de l’intelligence du procédé
L’inconscient collectif retiendra la performance de Cécile deFrance, dont la prestance singulière inspire très diversement les auteurs (lesbienne et grande-gueule dans Les Poupées Russes, enfant dans un corps de jeune adulte dans Fauteuils d’orchestre). Contre toute attente, elle se pare des atouts d’une icône horrifique dont la démesure et la sensibilité marqueront durablement. Un grief toutefois, la description de la réalité sociale des personnages, au début, apparaît un peu vieillie, notamment dans le phrasé des jeunes filles. Mais c’est souvent le cas, dans tout le genre en général, en France et dans le reste de l’Europe en particulier. En dépit de cela, les deux femmes suscitent directement l’empathie par leur simplicité ; le scénario évite d’en faire d’insipides insouciantes. Rien qui ne puisse donc entraver la consécration de Haute Tension en tant que meilleur film de la vague horrifique française des années 2000.
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le 26 mai 2014
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