Kate Winslet fait partie de cette race en voie de disparition des acteurs qui sont fantastiques dans tout ce qu’ils entreprennent. Elle pourrait nous lire la recette du cassoulet et on crierait au génie (#WinsletMaïtéBiopic2017). D’où ma surprise en la découvrant au générique de The Dressmaker. Liam Hemsworth en amoureux potentiel ? Bizarre - pourquoi pas. Un film australien ? Inattendu mais soit. Une comédie / drame produit par P.J. Hogan, papa de Muriel et du Mariage de mon meilleur ami, et réalisé par sa femme ? Judy Davis en maman maboule ? Voilà une potentielle recette gagnante.
Dans The Dressmaker, Winslet est Myrtle, dite « Tilly », une femme qui revient en 1951 dans le village paumé de son enfance, vingt-cinq années après un évènement sordide qui a fait d’elle une paria. Oubliée par une mère qui ne semble plus avoir la lumière à tous les étages, Tilly se fait peu à peu une place dans la vie communale en mettant à profit son talent de couturière - sans perdre de vue sa volonté de résoudre le mystère qui entoure son départ, deux décennies plus tôt.
On ne peut pas reprocher au film et à sa réalisatrice et scénariste de manquer d’ambition, ni d’idées. Il y a clairement des choses intéressantes, un oeil pour les scènes frappantes et même un petit grain de folie. Je ne veux pas savoir qui a eu l’idée d’engager Hugo Weaving pour camper un flic travesti, mais ça m’a fait glousser. Le sens de l’absurde presqu’emprunté à Wes Anderson existe aussi en filigrane pendant tout le film. On ne peut pas non plus crier au loup côté qualité des acteurs : certes, le cadet des Hemsworth a compris qu’il devait jouer sur sa belle gueule et ses abdos plus que sur ses talents, mais Kate Winslet reste juste et pleine de sensualité contrariée en femme fatale de bourgade (notamment grâce à la superbe garde-robe, qui évoque avec brio le glamour de toute une époque), tandis que Judy Davis, grand nom du cinéma aujourd’hui trop peu prononcé, est fantastique en vieille folle délurée. C’est par ailleurs elle qui chope tous les moments de grâce du film.
Les thématiques abordées sont elles aussi assez pertinentes, même si elle gagneraient à être plus profondément explorées : regard des autres, mentalité étriquée des villages de campagne, jugement à l’emporte-pièce, importance de s’émanciper … sont au coeur des débats. C’est certes assez téléphoné, mais quiconque a vécu dans ce type de village y voit un fond de vérité (le moi de 1998 acquiesce). On s’attache très vite au personnage de Winslet, et on souhaite la voir réussir. Une salve d’applaudissements aussi pour la discrète - mais non moins importante - subversion du cliché du lead masculin quadra qui se tape les nénettes de 20 ans. C'est ici l'inverse.
Niveau personnages secondaires, le constat est cependant moins glorieux : quasi-tous uni-dimensionnels, vicieux villageois aux humeurs changeantes et à la fidélité douteuse, ils n’existent que pour valider et justifier la colère de l’héroïne. Si l’on peut se prendre d’affection pour certains au début, le sentiment n’est malheureusement que passager. Le film aurait, je pense, gagné à temporiser son propos et ses protagonistes ici et là. Liam Hemsworth, dans un rôle de sportif au grand coeur, est quant à lui sûrement trop gentil et lisse pour marquer les esprits.
Surtout, là où ça ne fonctionne pas, là où ce Dressmaker est un peu décousu (jeu de mots de merde, bonsoir), c’est dans le choix du genre. Comme un enfant dans un magasin de bonbons qui hésiterait constamment entre sucette ou chewing-gum, on se retrouve avec une oeuvre qui change de cap, de ton et de consistance toutes les dix minutes (en particulier vers la fin). Certains applaudiront l’imprévisibilité et les virages à 360° - moi ça m’a gêné et ça m’a empêché de m’impliquer à 100%. Si j’ai pu apprécier la noirceur du dernier acte plutôt glauque et un poil bien-pensant (spoiler : The Dressmaker n’est pas une vraie comédie), il m’a manqué un petit quelque chose pour accrocher véritablement et me laisser emporter par le tourbillon émotionnel.
Reste un duo détonnant Winslet / Davis, quelques répliques cinglantes, un moment gratuit de nudité d’un Hemsworth (ça se prend) et un sens du fun plutôt communicatif. Jocelyn Moorhouse, réalisatrice pas mauvaise, s’est pour le coup un peu laisser gober par ses deux actrices principales, au point d’en perdre la cohérence de son histoire. Pour finir sur un jeu de mots de qualité (ou pas) : The Dressmaker est donc un film de bonne facture mais super mal plié. On repassera.