À l'origine il y avait Attack of the killer tomatoes, court-métrage en super 8 de quatre amis de lycée. Quelques années plus tard et après une parodie de films d'espionnage (Do they accept travellers checks in Babsuland?) la bande met au point un long du même nom. Nous sommes en 1978, au terme d'une décennie où les parodies, souvent burlesques, de la SF des 1950s sont à la mode chez les aspirants réalisateurs, y compris les plus sérieux : en effet Carpenter a la sienne, Dark Star (pas une performance étincelante mais sûrement un géant rapporté au 'genre').
La volonté est bien présente, on peut la juger 'bonne' ou non. Les petits gags et one-line abondent (« ce film est tiré du roman Les tomates de la colère » - en référence aux Raisins de la colère) et la malice est toujours au rendez-vous. Techniquement et artistiquement c'est très Z. Les auteurs appuient sur leur manque de moyens (budget de 90.000$) pour souligner leurs aspirations parodiques. L'enthousiasme est là pour soutenir l'action, mais le manque d'astuces plombe perpétuellement la séance aussi sûrement que l'absence de finances.
Car c'est de la série Z dure, ambitieuse dans ce domaine, avec une certaine intelligence (très primaire) canalisée par l'aspiration (déclarée a-posteriori par le réalisateur) à la « stupidité ». Malgré l'originalité de son postulat et la décharge d'excentricités, L'Attaque souffre de son manque d'action, que l'agitation ne masque pas (on est souvent enfermés dans des bureaux, des salles peu meublées..). Les tomates sont moins présentes que les bruitages bouffons les accompagnant. L'accident d'hélicoptère au début était involontaire ; il a englouti plus de la moitié du budget. John Bello et ses acolytes devraient en profiter ; ils arrivent à galvauder la chose au point de gâcher l'animation potentielle.
Un peu plus destroy le film pourrait éventuellement décoller ; un peu plus décidé dans ses inventions surtout. En l'état il n'y a pas jamais de quoi marquer l'esprit, rien d'assez détonnant ou poussé ; deux minutes de Leguman (cadeau de Téléchat) balaient toute les initiatives éparses de ce produit. Seule la médiocrité acquise et de toutes manières inévitable est livrée en entier : mocheté constante, scènes redondantes. Nénamoins le film reste supérieur et plus apte à faire sourire que des nanars profonds type Hitman le cobra. On dirait plutôt du ZAZ épuisé mais s'accrochant à fond, remuant dans la pataugeoire ; un humour verbeux et assez mental, des dialogues amphigouriques, quelques spéculations ubuesques.
Ce n'est pas non plus les Bidasses ou du Onteniente ; mais ça ne jouit pas du minimum de soin et de pertinence dans la mise en scène qui permettent un relatif bon moment (Arac Attack ou même Arachnophobie se logent à des cimes inaccessibles même en rêve) ; autant aller vers du nanar indifférent à la comédie et bien corsé dans un autre genre (fantastique, épouvante ou gore – tel Le Sadique à la tronçonneuse). Or tout demeure simpliste, le Z parodie le nanar en étant lui-même champion en nanaritude. Entre la bouffonnerie et le discount sans intérêt il y a un monde, que cette Attaque ne comble pas.
Malgré sa pléthore de lacunes, cette Attaque des tomates tueuses est devenu un nanar volontaire de référence. John Bello, réalisateur à la tête du groupe, poursuivra dans cette veine puisque ses trois autres dons à la vaste poubelle du cinéma sont les prolongations de cette invasion de tomates. Le deuxième opus de la saga, Le retour des tomates tueuses, suscite depuis l'attention d'un public plus large que les amateurs d'excentricités cheap, grâce à la présence de Clooney (à ses débuts).
https://zogarok.wordpress.com/2015/07/04/saga-les-tomates-tueuses-12/