Un film d'animation (ré)créatif
Ils ont envahi les coffres de jouets avant de s’attaquer aux univers et films cultes via les jeux vidéo. Désormais, ils s’attaquent au cinéma même, en s’offrant leur propre long-métrage ! Je veux bien entendu parler des LEGOs, ces petites briques qui peuvent s’emboîter et qui, grâce à l’imagination (et souvent un mode d’emploi), donnent naissance à des bâtiments, des véhicules, des robots… tout ce qu’il faut pour développer notre créativité ! Aux commandes, un duo de réalisateurs devenu célèbre à Hollywood depuis le carton de 21 Jump Street, qui a par ailleurs démarré par l’animation avec Tempête de Boulettes Géantes. Sous la houlette de Phil Lord et Chris Miller, les LEGOs prennent vie sur grand écran. Coup d’essai réussi ?
Emmet (Chris Pratt/Arnaud Ducret) est une personne ordinaire de Briqueburg, qui rêve d’être reconnu par les autres habitants. Ce jour semble lui tendre les bras quand il est pris par erreur pour le Sauveur. Un titre qui fait de lui le héros qui pourra sauver l’univers ! Avec l’aide du mystique Vitruvius (Morgan Freeman/Bernard Allemane), de la dure à cuire Cool Tag (Elizabeth Banks/Tal) et du célèbre Batman (Will Arnett/Philippe Valmont), Emmet devra faire face au terrible président Business (Will Ferrell/Maurice Decoster) qui désire transformer le monde à son image en usant du Kragle, une machine permettant d’immobiliser n’importe quelle figurine LEGO.
Énorme coup marketing ? C’est ce que toute personne censée aurait pensé (ou qui a pensé, carrément) à l’annonce du projet. Et pour cause, que peut-il y avoir de mieux qu’un film, susceptible d’attirer des millions d’enfants, pour promouvoir toute une gamme de jouets ? Du coup, La Grande Aventure LEGO se voyait comme un film d’animation purement commercial et sans âme. Surfant sur l’humour et le concept des derniers jeux vidéo en date (mettant en scène Star Wars, Pirates des Caraïbes, Harry Potter, Batman, Le Hobbit…) pour divertir les plus jeunes. Mais c’était sans compter sur l’intervention de Phil Lord et Chris Miller !
Les LEGOs étant souvent utiliser en tant que références, les réalisateurs se sont amusés à user de ce statut pour parodier bon nombre d’oeuvres. Nous pouvons bien évidemment citer quelques exemples bien précis, certains personnages apparaissant dans ce film : DC Comics (Batman, Superman, Wonder Woman, Green Lantern, Flash), Le Seigneur des Anneaux (Gandalf), Harry Potter (Dumbledore), Star Wars (Han Solo, Chewbacca, C-3PO, Lando Calrissian), Pirates des Caraïbes (le Kragle remplaçant le Kraken, flagrant via la réplique « Libérez le Kragle ! ») et j’en passe ! Mais également des genres en général. Notamment les dessins animés pour filles (roses bonbon, via le personnage d’Uni-Kitty), les films de pirates (quelques séquences maritimes et le personnage de Barbe d’acier), les polars (hilarant Méchant Flic/Gentil Flic, doublé qui plus est en VO par Liam Neeson), l’heroic fantasy (par le biais de l’histoire qui se base sur une prophétie et un élu)… Sans oublier quelques délires bienvenus (Abraham Lincoln assis sur son trône à propulseurs, par exemple). Et tout cela au service d’un script qui délivre des gags et autres vannes à la pelle, pendant 1h40.
Après, un script 100% humour ne veut pas forcément dire que l’ensemble se montre travaillé. Au contraire, cela fait souvent preuve de vide comblé par le rire, n’ayant finalement rien à raconter. D’ailleurs, en lisant le synopsis, La Grande Aventure LEGO n’a franchement rien à nous mettre sous la dent. Alors, accrochez vos ceintures car ce film d’animation est loin, très loin d’être aussi creux que prévu ! Le scénario se montrant même d’une intelligence implacable qui en surprendra plus d’un, se lisant sur différents niveaux de lecture !
Hormis une direction souvent enfantine à cause de ces gags à gogo, La Grande Aventure LEGO use de cet univers pour établir une morale. Surtout via le personnage d’Emmet et de son quotidien. Ce personnage qui se retrouve à faire quelque chose de spécial alors que sa vie, comme tant d’autres, ne consistait qu’à suivre des règles. Qu’à mener son existence dans un monde aux trajectoires pré-établies. Et qui l’empêchent de laisser place à son imagination, comme le font les autres personnages qui sont contre ce système de vie. En gros, ceux qui font front à l’ennemi de l’histoire (Cool Tag, Batman et consorts). Mettant ainsi en place divers sujets et thématiques que l’ont n’aurait jamais pensé voir un jour dans un film pour enfants (la dictature, la place des médias, l’endoctrinement…). Le tout magnifié à la fin quand le film alterne entre animation et scènes live (avec de vrais acteurs), lorsque nous apprenons que toute cette histoire est l’œuvre d’un enfant jouant avec les figurines de son père. Séquences inattendus qui permettent de renforcer les deux messages délivrés par ce long-métrage : le classique « C’est en faisant quelque chose de spécial que l’on est quelqu’un, et que c’est à la portée de tout le monde » et « Construisez votre vie, elle en sera que plus fun » ! Un scénario donc aussi bien déjanté que grandement travaillé, proposant rires et critiques.
Et ce n’est pas fini, le plus fort dans tout cela n’ayant pas été abordé ! Car ce n’est parce que nous avons un film sur les LEGOs que ce dernier doit idolâtrer la firme de jouets. Ici, elle est littéralement massacrée ! Surtout en ce qui concerne les nombreux modes d’emploi délivrés avec chaque boîte de figurines. Le personnage d’Emmet ne pouvant construire quelque chose de soi-même, condamné à suivre les protocoles, symbolise le manque de créativité et donc d’amusement qu’impose ces modes d’emploi. Ou encore l’aspect commercial qui est constamment accroché à la firme via le méchant de l’histoire (rappelez-vous qu’il s’appelle Business). Phil Lord et Chris Miller ont bien compris qu’il s’agissait d’un film pour enfants. Cela ne les a pas empêché d’en mettre plein la figure à différentes cibles (notre société, la firme LEGO elle-même) pour divertir également les adultes et de livrer autre chose qu’une coquille vide.
Et alors, côté animation, c’est un régal ! Bien que le tout soit réalisé par ordinateur, cette dernière arrive à restituer le côté image par image des nombreux courts-métrages que nous pouvons trouver sur le net. Rendant tout l’aspect que nous connaissons des LEGOs. Et usant à merveille des détails qui les accompagnent (difficulté à sauter, amas de briques pour les explosions, changement de cheveux et de vêtements…). Tout en se permettant des envolées numériques de toute beauté pour rendre l’ensemble spectaculaire et virevoltant. Un véritable délice pour la rétine mais également pour les oreilles, le long-métrage arrivant à restituer les bruitages des jeux vidéo et proposant une bande originale fort sympathique.
La Grande Aventure LEGO restera sans nul doute comme l’énorme surprise que nous n’espérions jamais voir d’un tel projet. Que nous pouvons dès aujourd’hui qualifier comme l’un des meilleurs films d’animation du moment, car étant déjanté, divertissant, intelligent et créatif. Encore une fois, le film visant par moment plus les enfants que les adultes, certains gags pourront passer non sans indifférence, ce qui est plutôt dommage. Mais le coup d’essai reste amplement réussi. Et même plus que cela !