L’une des raisons qui fait que Wes Anderson cristallise des réactions aussi tranchées à son endroit réside notamment dans son rapport à l’insolite. Brandi ici comme une pose un peu étouffante, il sature tous les domaines pour générer une œuvre assez étrange, qui ne sait pas toujours sur quel pied danser, notamment entre ironie et émotion, étrangeté et beauté plastique.
Entièrement porté par le charisme inimitable de Bill Murray, le film fait feu de tout bois : filiation, monde des poissons, vie de couple mourante et naissante, grossesse et décès, regard nostalgique sur une carrière prestigieuse et renaissance, tout se mêle sans qu’on parvienne vraiment à mesurer à quel point le scénariste s’en soucie. C’est là le singulier déséquilibre de ce film, notamment dans la tonalité assez parodique de certaines séquences (de films d’action des 70’s notamment) qui semble désactiver le potentiel émotionnel de l’ensemble.
Car l’un des grands sujets du film est justement la faille : l’échec, l’oubli, la grandeur passée qui contamine l’ensemble au point de le rendre délicatement branque, bricolé et bancal. A l’image de ces chansons de Bowie reprises en portugais, Anderson joue toujours la carte de l’adaptation décalée, au point de ne pas toujours faire mouche et d’occasionner quelques langueurs vaguement longues.
On retrouve cependant avec un véritable plaisir la singularité formelle de son cinéma, qui prolonge cette facticité assumée sur le terrain plastique : ce sont des fonds marins qui semblent avoir colorisé le Méliès des origines, une photographie superbe dans ses jeux de couleurs ou un fabuleux plan-séquence au travers d’un bateau aux multiples alcôves.
Riche de ses contradictions et de son clivage, La vie aquatique possède un charme indéniable. Mais à le comparer à l’impact émotionnel qu’on pourra trouver dans Fantastic Mr Fox ou Moonrise Kingdom, on se dit que Wes Anderson n’a pas atteint ici sa maturité sentimentale.
(6.5/10)
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