Au royaume de la fable de monstre et du conte chimérique, on trouve quelques stars indétrônables à la cime glorieuse d'une montagne grouillante et extrêmement créatrice. Ce panthéon des fascinations s'avère être le nid douillet :
- Des araignées géantes, animaux générateurs de hurlements stridents depuis l'aube des temps.
- Des reptiles géants, empreinte titanesque d'un monde vierge, lointain et oublié propice aux plus tortueuses des rêveries.
- Et des céphalopodes démesurés qui n'ont pas attendu Jules Verne pour incarner dans l'imaginaire collectif des civilisations la terreur des profondeurs, l'angoisse des abysses et la peur de l'inconnu.
Sur pellicule, on pourrait résumer ces trois champions incontestés de la terreur gargantuesque par Tarantula, King Kong et It Came from Beneath the Sea.
Lorsque, tout juste arrivé sur ce site, j'ai noté ce film d'un gros 8 bedonnant, il n'y avait encore que peu de critiques et du moins aucune provenant de mes chers éclaireurs. Depuis les choses ont quelques peu changées et j'ai pu constater une avalanche de tempérance qui m'a fait remettre en question mon enthousiasme parfois un brin trop débordant. Je viens de revoir ce film et il n'est pas question que je change quoi que ce soit à ma note.
It Came from Beneath the Sea s'engloutit comme une histoire de monstre dans ce qu'elle a de plus simple et efficace, bouquin d'illustrations ouvert devant les yeux d'un gosse avide de sensations fortes à la lumière blafarde d'une lampe torche faiblissante, avant de rejoindre les plus improbables rêveries.
C'est bien entendu très mince, bâti sur un scénario qui fait honneur au genre, presque inexistant et unique prétexte à la mise en scène d'une monstruosité merveilleuse, déployant ses bras multiples et serpentins sur la coquille vide d'un film creux. Bien-sûr, les acteurs n'ont que peu de présence ou autre charisme dans leurs rôles mécaniques s'imbriquant dans les plus parfaits des stéréotypes et tentant parfois la course à la plus plate caricature. Bien-sûr l'histoire anémique ne se permet ici pas même la moindre des profondeurs (un comble pour un film parlant d'abysses), à l'inverse des fleurons de la série B des 50's, entre les réalisations pessimistes et subtilement cyniques de Jack Arnold et Robert Wise... Mais bordel, pour ce film, je me permettrai bien de m'en passer, loin d'attendre quelque chose de plus qu'une nouvelle création d'un dieu de l'imaginaire prenant forme et vie.
Ray Harryhausen s'occupe ici de réaliser le titan tentaculaire prenant d'assaut San Francisco, et c'est, encore une fois, un modèle qui ne connait pas son pareil. Jamais l'idée du poulpe géant n'a connu si belle illustration sur grand écran, malgré tout le respect que je dois au 20 000 Lieues sous les Mers de Fleischer. L'être des profondeurs élève ses bras gigantesque au dessus de l'eau et enlace le pont du Golden Gate avant de le mettre en pièces, écrasant les voitures et autres badauds terrifiés, puis retourne sous le couvert d'une surface sombre avant de réapparaître, ses tentacules enroulant les bâtiments, sinuant dans les portails, démolissant les porches et les tours au milieu de la cohue générale, dans une interaction exceptionnelle offrant quelques plans d'anthologie pour cette oeuvre au charme unique.
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ou http://25.media.tumblr.com/tumblr_ljo7hivqZB1qa70eyo1_500.jpg
Il faut quelque peu oublier certaines petites exigences tatillonnes pour goûter pleinement ce film. C'est de la pure série B de monstre, engeance brillante de la plus florissante des décennies en la matière. Un scénario maintes fois copié et décalqué et des personnages éculés mais un génie des effets spéciaux au talent et à la créativité uniques.