Les Frères Grimm marque le retour de Terry Gilliam au cinéma sept ans après Las Vegas Parano (1998). Il y a bien eu la tentative L’Homme qui tua Don Quichotte (1999), mais ce tournage sera annulé et concourra à la réputation de réalisateur malchanceux portée par Gilliam ; une réalité largement nourrie par sa direction aussi chaotique que les produits finis. Pour compenser les désastres financiers qu’il a accumulés et se remettre en piste, Gilliam s’accommode donc de la réalisation de cet aspirant blockbuster, réunissant Matt Damon, Heath Ledger et Monica Bellucci.


Le résultat est pour le moins bancal et c’est même la bête noire de nombreux fans de l’homme de Brazil. La mise en scène est flamboyante mais aussi confuse. Tous les films de Gilliam sont extrêmement agités, parfois à la limite de la lisibilité, mais jamais le spectateur n’avait eu chez lui le tournis en vain à ce point. L’hystérie dilue tout, aucune scène ne prend le temps de s’épanouir et le film manque donc cruellement d’intensité. Pourtant le spectacle ne manque pas potentiellement de caractère. Il verse vers la féerie macabre de façon assez audacieuse, en se posant comme un film de terreur pour enfants (le prédateur vs les petites filles). Pour s’approprier un sujet improbable et casse-gueule, Gilliam remanie la vie des frères Grimm et leurs contes en les confondant avec son univers et ses créations passés. On se rappele notamment sa version de Munchausen de 1989.


Par conséquent un tel film détone toujours dans le paysage hollywoodien. Mais c’est plutôt par défaut et l’amertume de Gilliam comme de ses fans envers ce film est légitime. Tout l’exercice autour des deux frères est d’une lourdeur lasse, égale à son inanité, les bonnes interprétations de Damon et Ledger ne rachetant pas des protagonistes sans le moindre éclat. Les inspirations superbes sont traduites par des effets spéciaux tapageurs et des choix esthétiques parfois dégueulasses – CGI grossières au rendez-vous. En l’absence de maîtrise de son sujet, Gilliam s’est laissé déborder et ne peut pas rejeter la faute sur les seuls studios. Il ne travaille pas le rythme ni la profondeur de son intrigue, tout en étant aliéné par une production plus frileuse que lui, qui a pu lui refourguer des talents trop pressés.


Quand le fantastique l’emporte, le film devient plus intéressant, avec certes toujours ce sentiment ambigu : c’est un ratage sur l’atmosphère mais des atouts sont là, des résidus intenses parsèment le film. Tour à tour, il inspire impatience et sympathie. Il faut s’imaginer Le Pacte des Loups ou Sleepy Hollow croisé avec un pastiche rigolard mais réprimé des Harry Potter et A la croisée des mondes, ou autres sagas pompières de cette époque pour la jeunesse. Gilliam a sans doute rapidement orienté son esprit vers Tideland, son projet suivant. Une œuvre personnelle tournée de façon presque confidentielle, où il a pu s’épanouir mais qui passera inaperçu et sera un échec commercial de plus.


Autres films de Terry Gilliam :
http://www.senscritique.com/film/L_Armee_des_12_singes/critique/25760573
http://www.senscritique.com/film/Zero_Theorem/critique/30583180


https://zogarok.wordpress.com/2018/06/12/les-freres-grimm/
https://zogarok.wordpress.com/tag/terry-gilliam/

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le 12 févr. 2015

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Zogarok

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