J’ai décidé de créer la fiche et de vous parler de ce court métrage, car c’est véritablement un coup de cœur. J’ai pu voir ce film lors de ma visite de l’exposition « La grimace du monde » organisée par la Fondation Glénat au couvent Sainte-Cécile à Grenoble. L’expo n’est pas inintéressante, loin de là, mais un peu décevante car j’attendais qu’on place les œuvres des maîtres de la peinture à côté des planches de dessinateurs de bd, ce qui ne fut pas le cas : d’un côté les peintures, de l’autre, les planches, dans des salles séparées... Mais bon, je m’égare. Entre les deux parties de l’expo, un grand écran, avec un film, intrigant, celui d‘Antoine Roegiers, justement. Sont juxtaposés sept petits films consacrés aux sept péchés capitaux, réalisés à partir d’une série de gravures de Bruegel l’ancien. Au départ, le dispositif était la projection simultanée des sept films sur sept écrans. De façon heureuse, les films ont été mis les uns après les autres, pour former un film magnifique.
On connaît Bruegel, on peut apprécier son talent, son audace à représenter de façon cocasse et fantastique la vie des hommes de son temps. Antoine Roegiers rend ici hommage au maître flamand et revisite ses dessins sur les péchés capitaux en les mettant en mouvement. Il les a d’abord reproduits à la main, en les apurant un peu, puis a réalisé l’animation par ordinateur. Il crée de la profondeur en nous faisant cheminer à travers les dessins dans de superbes plans-séquences, passant d’un lieu ou d’un personnage à un autre. Nous entrons littéralement dans le dessin et suivons le cheminement proposé, permettant de se concentrer sur tel ou tel élément du dessin de Bruegel, sur telle ou telle action, alors que dans le dessin, tout se passe en même temps. Roegiers apporte ainsi une nouvelle dimension au travail de Bruegel, avec un cheminement fluide et élégant dans l’œuvre du maître. On peut ainsi voir animés les personnages et créatures bizarres choisis par Bruegel pour incarner successivement les péchés capitaux, qui évoluent dans un univers étrange composé de décors ne manquant pas d’originalité et dans lesquelles Roegiers place très ponctuellement quelques touches de couleur, comme pour le paon illustrant l’orgueil.
Quel travail ! C’est beau, inventif, respectueux de l’esprit du support original tout en étant créatif et inspiré. Bravo, maestro !
Malheureusement le film n’est pas visible sur le net, seulement une sorte de bande annonce mais qui est réductrice et ne restitue pas le meilleur, à mon avis, avec des fondus au blanc frustrants. Pour mieux vous rendre compte du travail de Roegiers, vous pouvez aussi jeter un œil à cette page (site de l’artiste) :
http://www.antoineroegiers.com/?page_id=696
Et comparer avec les gravures de Bruegel, que j’ai notamment trouvés rassemblées ici :
http://ak-murza.hiblogger.net/1148080.html/thread/5157595
Ah, au fait, si vous voulez voir le film, c’est encore possible au couvent Sainte Cécile de Grenoble jusqu’au 24 avril 2014. Vous ne le regretterez pas !