Motion capture.
Il faut un minimum de culture contextuelle pour entrer dans Life, un film qui se mérite et ne cherche pas la facilité en dépit de son potentiel de séduction. Connaitre son réalisateur, Anton...
le 4 nov. 2015
28 j'aime
3
Il faut un minimum de culture contextuelle pour entrer dans Life, un film qui se mérite et ne cherche pas la facilité en dépit de son potentiel de séduction.
Connaitre son réalisateur, Anton Corbijn, à la carrière internationale de photographe, notamment de stars du rock, et la fascination qu’il a toujours eue pour les icônes et la captation de leur vérité profonde. Connaitre aussi l’histoire de James Dean, sa trajectoire d’étoile filante et les clichés célèbres ayant notamment contribué à son ascension.
De cette matière à la fois autobiographique et historique, Corbijn écrit un film naviguant en eaux troubles. Tout participe à cette idée d’un décalage, ou, pour reprendre un terme photographique, d’un décadrage. La star James Dean est jouée par Dane DeHaan, un acteur lui-même sur le point d’exploser, tandis que l’homme de l’ombre est incarné par Pattison, à la destinée similaire d’idole pour midinettes. Le duo fonctionne sur la trame éculée des pôles inversés, Dean étant d’une spontanéité confondante, star presque involontaire, paresseux et magnétique, tandis que son photographe est un ambitieux maladroit, avide de succès, raide et handicapé social. Le trait n’est pas toujours fin, les circonvolutions (notamment le rapport de Dennis avec son ex-femme et son fils) souvent dispensables, mais là n’est pas l’essentiel.
De décadrage, il est surtout question dans la volonté de Corbijn de saisir la fabrique de l’image : Stock sait qu’il tient avec Dean un sujet vibrant, et doit attendre son accord puis le moment propice pour le capturer. Et le spectateur d’attendre avec lui : les scènes sont avant tout des reconstitutions, souvent très longues, de ce qui mène à un cliché mythologique : Dean sur Time Square, dans l’Indiana, chez le coiffeur, dans un bar, en cours de théâtre… Bien entendu, la photographie fait l’objet d’une attention particulière, et le réalisateur accorde un soin constant dans la recherche d’une imagerie intime, qui quitterait les plans d’ensemble de la foule, de l’hystérie collective, de la dimension nationale, pour s’attacher à une personnalité à la fois hors norme et brillante dans son humanité spontanée.
C’est là l’une des limites du film : à trop vouloir délayer ces apogées iconiques dans un récit qui les introduirait de façon crédible, à trop vouloir saisir la vérité des êtres à l’écart de leur statut de star d’une usine à rêve, le récit nous prive paradoxalement d’une véritable émotion. Certes, le poids des studios désirant formater Dean ou l’aspect vampirique de Scott mélangeant amitié et professionnalisme pour mieux laisser sa proie se dévoiler sont abordés, mais le rythme patine, et l’ennui s’invite plus souvent qu’à son tour.
Reste une émotion réelle : celle du générique de fin où apparaissent les fameux clichés, et ce rappel à la réalité, à savoir la mort de Dean 7 mois plus tard : dès lors, on comprend mieux ce désir de faire durer cette temporalité qui n’appartenait qu’à cette icône, refusant l’urgence et la facticité de son univers d’adoption pour vivre en accord avec son cœur, sans savoir que ses jours étaient comptés : c’est là l’essence même du mythe James Dean, et le rôle fondamental de la photographie : capter l’instant essentiel de l’éternité.
(6.5/10)
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films sur la photographie
Créée
le 4 nov. 2015
Critique lue 1K fois
28 j'aime
3 commentaires
D'autres avis sur Life
Il faut un minimum de culture contextuelle pour entrer dans Life, un film qui se mérite et ne cherche pas la facilité en dépit de son potentiel de séduction. Connaitre son réalisateur, Anton...
le 4 nov. 2015
28 j'aime
3
Mes critiques peuvent contenir des spoilers qui seront balisés. Points positifs - Les interprétations de Dane DeHaan et Robert Pattinson - L’ambiance années 50 - La mise en scène et les musiques...
le 18 sept. 2015
10 j'aime
6
En seulement quelques films, James Dean était devenu une icône, une légende et un monument du 7ème art. Il avait indéniablement une personnalité fascinante et un charisme évident. Néanmoins ce qui a...
Par
le 14 sept. 2015
8 j'aime
Du même critique
Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...
le 6 déc. 2014
774 j'aime
107
Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...
le 14 août 2019
715 j'aime
55
La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...
le 30 mars 2014
618 j'aime
53