Maléfique en héroïne d'un banal conte de fées
Maléfique est née du succès d’Alice au Pays des Merveilles de Tim Burton (pour preuve, les studios Disney avaient demandé au réalisateur de s’occuper du film dont nous allons parler ici). Et est le premier d’une longue liste de nouvelles adaptations en films live des célèbres dessins animés que nous connaissons tous (nous aurons prochainement droit à Cendrillon, Le Livre de la Jungle, La Petite Sirène et La Belle et la Bête). Mais en attendant, place à la plus grande méchante que le cinéma ait connue. Qui s’offre le luxe d’être l’héroïne de son propre film. Ce dernier est-il à la hauteur de sa méchanceté et de son charisme ? C’est ce que nous allons voir !
Maléfique (Angelina Jolie) est une fée qui règne en maître sur une forêt où sévit la paix et l’harmonie. Tout semble aller pour le mieux jusqu’au jour où elle se fait trahir par Stéphane (Sharlto Copley), son amour d’enfance, qui va l’abandonner pour devenir roi. En elle va alors naître la souffrance qui va transformer petit-à-petit son cœur en pierre, faisant d’elle la méchante sorcière que tout le monde connait : celle qui va vouloir maudire la fille de Stéphane, la princesse Aurore (Elle Fanning), par vengeance.
Donner un passé à un antagoniste s’avère être une chose difficile à réaliser. Et pour cause, en passant par ce procédé, le personnage en question peut s’en retrouver dénaturé (une menace est bien plus terrifiante quand elle n’a pas de raison). Un exercice dans lequel s’était risqué le romancier Thomas Harris avec son antihéros Hannibal Lecter, et qui a cassé l’image (non sans qualité) de ce dernier. Gros risque donc dans lequel se plonge Disney ! D’autant plus qu’il s’attaque ici à un personnage d’une noirceur extrême, qui va à l’encontre de tout ce qu’ils on pu livrer jusqu’ici, à savoir des divertissements pour toute la famille. Et c’est d’ailleurs pour cela que Maléfique était attendu : pour voir ce que les studios pouvaient bien faire avec un tel postulat en mains. Et surtout, comment retranscrire toute la puissance et le charme de cet antagoniste qui a marqué les esprits en 1959.
Première bonne trouvaille de ce film : Angelina Jolie ! Depuis l’annonce du projet, la comédienne est rattachée à ce rôle. Comme s’il lui été prédestiné ! Et à voir ce que cela donne à l’écran, la regarder enfiler le costume de la célèbre sorcière était tout simplement inévitable. Tant Jolie s’investit corps et âme à lui donner vie. Tant elle possède le charisme idéal pour la rendre crédible. Et qui porte avec beaucoup de classe les différents costumes qui lui ont été confectionnés. Notamment la fameuse robe noire (comme dans le dessin animé, sans le violet). Sans compter les heures de maquillage qu’a dû subir l’actrice (cinq grand maximum) pour ressembler au personnage. Comprenant le rouge à lèvres, le fond de teint blanc, les lentilles colorées et surtout les fameuses cornes « reptiliennes ». Il n’y a pas à dire : Angelina Jolie est Maléfique ! Elle porte le film à elle toute seule, faisant de l’ombre aux autres comédiens du film, qui font pâle figure face à tant de prestance.
Seconde grande qualité de Maléfique : son rendu visuel. Cela, nous le devons à son réalisateur, Robert Stromberg. Bien que cela soit ici son premier long-métrage, le bonhomme s’est fait connaître du milieu en travaillant dans le domaine des effets spéciaux, et pour des blockbusters d’envergure (dont Alice au Pays des Merveilles et Avatar). Cela, il l’exploite dans ce film, en livrant un univers aux effets spéciaux bluffants. Surtout en ce qui concerne la Lande (cette forêt que protège Maléfique), féérique et jolie à regarder (notamment avec son bestiaire varié en créatures fantastiques). De plus, Stromberg, bien qu’il n’ait de mise en scène qui lui soit propre, montre qu’il sait manier une caméra, et bien plus lors des séquences spectaculaires (scènes de vol, de batailles et d’action). Même si, par moment, il abuse un peu du « zoom » comme le faisait James Cameron sur Avatar.
Et pourtant, malgré ses qualités irréprochables, le film m’a grandement déçu. Quand on vous annonce un film sur l’une des méchantes les plus mémorables qui puissent exister, vous vous attendez forcément à de la noirceur dans ce long-métrage. À quelque chose qui soit mature et plus adulte. Qui ne soit pas réellement tout public (surtout que, lors des interviews d’Angelina Jolie, les journaliste insistaient bien sur le fait que les enfants de l’actrice avaient peur de leur mère une fois qu’elle avait vêtu son costume et fait mettre son maquillage). Sans compter une promotion qui ne faisait que mettre en valeur ce constat (des jaquettes « spéciales méchants » pour les autres DVD Disney, une version ténébreuse de Once Upon A Dream chantée par Lana del Rey…). Mais au final, on se retrouve avec notre méchante en héroïne d’un banal conte de fées !
De la part d’une production Disney, il fallait bien s’attendre à un esprit bon enfant. Et le film le rend bien par le biais des trois bonnes fées vues également dans le dessin animé d’origine. Mais pas à autant de gaminerie, de niaiserie, de bons sentiments et de gentillesse ! D’accord, le début pouvait l’être, avec cette histoire de bonne fée appelée Maléfique (déjà, quelque chose ne colle pas ici) qui, une fois devenue mauvaise, va entamer sa vengeance… pour finalement s’attacher à sa victime et allant même jusqu’à vouloir la sauver de la malédiction qu’elle lui a lancée. D’accord, le film se voulait comme une relecture non pas du conte mais du dessin animé, étant raconté du point de vue de la sorcière (ce qui, malgré quelques séquences reprises, amènent à bon nombre de changements scénaristiques, comme le corbeau, la scène du baiser ou encore la transformation en dragon) et quelques références écologiques (les hommes voulant détruire/exploiter la Lande, Maléfique protégeant la Lande, la véritable signification de « Belle au bois dormant »…). Mais tout cela dénature complètement le personnage !
Pourtant, de la noirceur, Disney aurait pu se risquer d’en offrir. Surtout que La Belle au Bois Dormant en avait à revendre (notamment en ce qui concernait le personnage de Maléfique, justement). Il est vrai que la noirceur n’a pas souvent avantagé Disney (il faut se rappeler l’échec de Taram et le Chaudron Magique). Mais en se contentant d’un divertissement pour les plus jeunes, le studio ne fait que renforcer l’aspect commercial de se produit. Et l’avoir rendu aussi gentillet n’était que dans le but d’attirer le jeune public, d’assurer son succès commercial. Oubliant qu’il pouvait saccager l’image du personnage en faisant cela. Du coup, au lieu de la méchante suprême que nous attendions, nous nous retrouvons avec une apprentie sorcière qui veut faire le mal mais ne peut s’empêcher d’avoir un bon fond. Vivant dans un monde finalement bien trop féérique (l’impression de n’avoir vu que des papillons tout le long du film) et aux côtés de personnages inutilement drôles (voire agaçants, comme les trois bonnes fées), grotesques (le prince Philippe) et tête-à-claques (la princesse Aurore). Bref, qui se présente comme l’héroïne d’un conte de fées rose bonbon, narré par une énervante voix-off et aux thèmes surfaits par le compositeur James Newton Howard.
Pour vous donner une idée, j’attendais que Maléfique soit équivalent à Blanche-Neige et le Chasseur (bien que ce dernier ne soit pas un Disney). Un film sombre et mature mais qui proposait par moment un peu de féérie pour égayer le tout. Au lieu de cela, le personnage de Maléfique perd tout son charme (malgré la prestance d’Angelina Jolie) et sa cruauté à cause d’un long-métrage 100% enfantin. Il est certain que les avis seront partagés sur ce film. Car il comblera sans mal les adeptes des contes de fées. Mais il blessera ceux qui, comme moi, attendaient un divertissement qui soit le reflet de son héroïne. Ces gens-là peuvent passer leur chemin, ils ne loupent rien ! Honnêtement, la grosse erreur du film a été de prendre Maléfique en tant qu’héroïne d’une telle histoire. Cette dernière ne collant aucunement au personnage.