"Bonjour, mocheté."
Dissipons tout de suite le malentendu : le film est d'honnête facture, très "Disney family", et vaut sans nul doute plus de 4/10 (si l'on tient à le noter ainsi) pour peu que l'on accueille le...
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le 29 mai 2014
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Etrange démarche de la part de Disney. Dans cette conversion en film live de La Belle au Bois dormant, les studios donnent l'avantage à Maléfique, la méchante sorcière. Si l'ensemble se veut fidèle dans les grandes lignes à la version animée de 1959, Maléfique n'est plus la même. Jamais Disney n'avait donné ainsi la part belle au monstre, ni ne s'était engagé à le sonder, à le pardonner et finalement à le réhabiliter – bien sûr, en rangeant sa malveillance au placard, mais là encore, avec des nuances.
Sur le plan graphique, le premier film de Robert Stromberge est une curiosité et une franche réussite. Le royaume des humains et celui de la forêt sont le théâtre d'une symphonie merveilleuse, où la vitalité immuable des décors écrase celle, plus grossière, des personnages. Maléfique est resplendissante et joue sur plusieurs tableaux. À certains moments, elle ressemble à une reine pop en extase, notamment lorsqu'elle s'invite à la cour du Roi. Puis la sirène narcissique devient un Satan taciturne, rongé par les remords et la culpabilité, intégrant une dimension adulte à sa sensualité débordante.
Co-produit par Angelina Jolie qui incarne Maléfique, le film invente des origines et une histoire à la créature. Si elle ne croit pas à « l'amour sincère », c'est en raison de la trahison et de la privation qu'elle a subi. Un événement traumatique comparable à celui de Karaba dans Kirikou et la Sorcière (arracher les ailes ou planter un pic) justifie l'essentiel de sa transformation, elle qui fut au départ une gardienne pacifique et dévouée. Au contraire de la méchante du dessin animé, à la malveillance intrinsèque et donc sans justificatif, Maléfique traîne sa malfaisance comme un boulet. Elle tache de dominer ses démons et même, souhaite réparer le Mal qu'elle a répandu – Mal dont elle est responsable mais par passion et non par appétit sordide ou mesquinerie gratuite.
Autour d'elle, les personnages sont dégonflés. Les représentants du Bien standard échouent à résolver les situations inattendues ou complexes. Conformément à ce qui s'annonçait avec la mise en avant de l'ange noir, Disney prend le parti du méchant. Il banalise les postures manichéennes, ridiculise les ennemis du Mal en prenant acte de leur manque de substance : autrefois ce manque était là, à force de sentiments mielleux et convenus ; aujourd'hui, il participe consciemment au processus de création. Et de même, le ''méchant'' est le plus humain, à la fois plus magnétique et plus profond que tous les autres protagonistes.
Maléfique va donc beaucoup plus loin que les précédents show où un méchant s'avérait admirable ; et surtout Maléfique ne rend pas son méchant plus charismatique et stimulant par inadvertance. C'était le cas par exemple pour Cruella par Glenn Close dans Les 101 Dalmatiens, personnage puissant et travaillé (mais chargé négativement, à l'époque), face à un cortège de gentils au tempérament plus lisse, limité ou traditionnel. Faut-il se réjouir de cette distanciation éprouvée par Disney sur ses propres modèles ? Elle confirme en tout cas, après La Reine des Neiges, l'abandon d'un certain absolutisme, de ce qui rendait son geste si pur et assuré. Autrement dit, Disney est une église en pleine crise identitaire. Voici venu le temps de la tempérance, où on accepte son impuissance à corriger le Monde et affine son idéal.
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le 15 juin 2014
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