Le format téléfilmique nuit autant qu’il réussit à cette adaptation du témoignage de Nora Fraisse. Car s’il pèche par des dialogues trop explicatifs et par une direction d’acteurs – surtout amateurs – des plus balbutiantes, l’interprétation des jeunes collégiens et collégiennes ainsi que de certains professeurs peinant à emporter l’adhésion, il réussit à rendre, par sa forme dépouillée et simple, la banalité de ce mal que sont le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement. Il y a un refus de l’esthétisation ou de la grandiloquence, seul compte l’humain saisi dans sa polyphonie fondamentale et sa méchanceté profonde ; la route qui doit mener Nora Fraisse et sa famille jusqu’à la justice s’effectue en Coccinelle, nous suivons les incertitudes, les doutes, les angoisses de la fille d’abord, de la mère ensuite, dans un transfert de point de vue qui confère au téléfilm une valeur féministe importante mais discrète.
Marion, 13 ans pour toujours constitue moins une œuvre de combat qu’un appel au combat, puisque de la bataille judiciaire, puisque des poursuites nous ne saurons pas grand-chose ; un combat que l’adolescente a perdu en cédant sous les coups de ses ennemis – des ennemis partout, réels et virtuels – mais que la mère entend bien gagner afin de donner du sens, de faire en sorte que l’horreur serve à quelque chose, à conjurer l’horreur. Le parcours suivi par Nora Fraisse s’apparente aussitôt à un parcours de sensibilisation : tous les acteurs ou les spectateurs du harcèlement doivent affronter le regard qui perce les aveuglements et les lâchetés, qui transperce les carapaces d’hypocrisie, qui tord le cou aux politiques de l’autruche. Ce parcours pédagogique, qui retranscrit fort bien la montée en puissance du harcèlement et l’isolement progressif de la victime devenue innocente dans un bagne et ange dans un enfer, est d’ailleurs porté par deux actrices impeccables : Luàna Bajrami et Julie Gayet. Un téléfilm courageux et de qualité, à voir sans plus tarder.