Matrix ? Non, juste un gros blockbuster.
Etant donné la route qu’avait prise Matrix Reloaded (à savoir le chemin de l’action pure et dure), il n’était pas étonnant de penser que le dernier volet de la mythique trilogie des Wachowski allait se clôturer de la manière la plus spectaculaire qui soit. Mais par la suite, Pirates des Caraïbes 3 nous apprendra qu’en mettre plein les yeux pour en terminer retirait toute l’âme du produit final. Un constat que nous dévoilait déjà Matrix Revolutions à l’époque.
Car au final, qu’est-ce que Matrix ? Pour répondre, il faut se replonger dans le premier film et ses atouts, forts nombreux. À commencer par le monde de la Matrice, justement. Un univers réaliste à la limite du jeu vidéo (la mise en scène des Wachowski, les effets visuels, les fameux ralentis, l’ambiance cyberpunk…) qui nous offrait de chouettes séquences de combat et surtout une histoire de science-fiction hautement travaillée, nous offrant des personnages charismatiques (Néo, Trinity, Morpheus et l’agent Smith) et interprètes idéaux (Keanu Reeves, Carrie-Anne Moss, Laurence Fishburne et Hugo Weaving) au service de thèmes moralistes et philosophiques traités comme il se doit. Bref, il n’y avait pas pu accrocheur que Matrix premier du nom ! Un fait qui a commencé à se dissiper avec le 2nd opus, qui préférait se concentrer sur l’action durant la majorité du film, pour nous balancer à la figure un scénario complexe en même pas 10 minutes sans que l’on y fasse attention. Tout en proposant des personnages secondaires qui n’avaient aucunement la carrure de Cypher (en même temps, il était joué par Joe Pantoliano) ni suffisamment de place dans le script (ils apparaissaient puis sortaient de l’écran, point !). Et avec ce Matrix Revolutions, les choses ne se sont pas arrangées, malheureusement…
Si les Wachowski avait montré des signes de faiblesses à l’écriture du 2nd volet, ici, ils préfèrent carrément ignorer de livrer une histoire. « Là, on s’en fiche, on fait tout péter ! Et on finit sur un grand combat entre Néo et Smith ! ». Voilà ce qu’à dû être la conception du script ! Car Matrix Revolutions n’est qu’une bataille qui s’étale sur plus de 2 heures. Où l’enjeu de chaque personnages ne sort pas des sentiers battus (Néo doit tous les sauver, Smith tout contrôler pour faire le Mal, Morpheus continuer à croire que Néo est l’Elu, Trinity à l’aimer jusqu’au bout…), sans que cela ne surprenne. Quant aux autres protagonistes, c’est la même chose que Matrix Reloaded. Si certains prennent enfin plus de place dans l’histoire (notamment Niobe), ils sont toujours réduits au rôle de figurant (toujours pas travaillés) qui n’ont que pour but de meubler l’histoire, voire d’indiquer au spectateur où regarder lors des séquences d’action. Même le Mérovingien (seule véritable trouvaille de Matrix Reloaded) passe ici inaperçu !
Des signes de faiblesses qui se sentent du début jusqu’à la fin de cet opus, mais surtout qui montrent à quel point le script veut en terminer avec cet univers. Pour cela, il faut vraiment assister au final. Pas celui qui oppose Néo et Smith mais juste ce qui se passe avant (attention, spoilers !!). Là où Néo entre dans la ville des machines avec fracas et perte, fait face à un leader prêt à le tuer, et qui conclue le pacte le plus débile que l’on aurait jamais pu imaginer dans la saga : « Si je tue l’agent Smith, on fait la paix » « D’accord. » Point ! Euh… Beaucoup de morts alors que les choses peuvent s’arranger aussi facilement ? Beaucoup de temps et d’argent perdus pour nous faire un final qui aurait, du coup, bien pu être expédié dans le film précédent ? Pourquoi pas me diriez-vous. Mais alors qu’on se concentre quelques minutes sur les conséquences de ce pacte, au lieu de balancer le générique de fin comme ça, sans que l’on sache ce qui va se passer par la suite !
Et venons-en là où Marix Revolutions fait défaut à la saga : son manque d’appartenance à cette dernière. Car s’il en porte le titre, on a bien du mal à croire qu’il s’agisse d’un Matrix. À cause d’une trame qui se déroule exclusivement dans le monde réel et non dans la Matrice. C’est simple, des séquences dans ce monde virtuel, vous n’en aurez que 2 ! Le début, où Néo est perdu dans la Matrice (avec une histoire de train véritablement fumée, autre preuve d’un scénario qui ne sait plus où aller) et le final, le duel entre Néo et Smith. Finis les combats styles jeu vidéo et l’ambiance cyberpunk, place au blockbuster classique à gros renfort d’effets spéciaux ! C’est que l’histoire se déroulant dans la Matrice n’est, sur le papier, qu’un détail. Mais cela montre que le film n’est rien sans ces passages, qui manquent cruellement !
Pourtant, Matrix Revolutions réussit un point. Celui de divertir ! Bien qu’un opus de la saga ne doive pas suivre exclusivement cette voie, c’est pourtant ce qui sauve les meubles de ce 3ème volet. Car s’il présente un scénario vide, il faut reconnaître que le film en met plein la vue ! En même temps, avec un budget montant à 110 millions de dollars, il ne fallait pas se louper ! Et si certains effets spéciaux commencent aujourd’hui à prendre quelques rides, nous avons tout de même le droit à des séquences tout simplement titanesques. Que ce soit l’attaque des sentinelles à Sion (qui pullulent à l’écran comme des insectes), la ville des machines ou encore le combat final (qui traîne en longueur, faut se l’avouer) qui flirte avec le duel de super-héros (Man of Steel avait un rival avant l’heure). Le but ultime de Matrix Revolutions était de conclure la trilogie en mettant le paquet. Là-dessus, le film réussit haut la main cette part du contrat !
Mais ce n’est pas suffisant pour en faire un bon film. Et il est fort dommage que la saga se termine de cette manière. Avec un total manque d’ambition du côté scénaristique alors que le 1er film avait été ce que prétend cet opus : une révolution. Matrix 3ème du nom n’est qu’un gros blockbuster qui divertit, ni plus ni moins. Et vu à quoi ressemble la trilogie, il aurait sans doute été plus sage que tout cela prenne fin dès le premier volet, pour que l’on s’arrête sur une excellente note. Car oui, je pense que le 1er se suffisait à lui-même. Quitte à le compléter avec des comics ou des séries animées (comme cela s’est fait). Aaaaaah, Hollywood… l’appel du gain te fera toujours défaut !