Maudie s’entoure d’excellents acteurs pour peindre le portrait complexe d’une artiste et de son époux, indissociables d’un milieu spatial (la Nouvelle-Écosse), économique (la précarité des petits boulots comme faire le ménage, revendre du poisson et du bois) et culturel en ce qu’ils le convertissent peu à peu en objet artistique que consacre la peinture de Maud Lewis.


La cellule conjugale est intéressante parce qu’elle rejoue en mode mineur origine et effets de l’inspiration : un cadre hostile et austère fait de violence, que l’amour, la persévérance, l’œil du peintre changent en réalité fugace dont les changements journaliers exigent des réalisations quotidiennes. Le motif récurrent de la fenêtre ouverte sur un ailleurs dit bien ce que représente la peinture pour Maud : un vecteur de libération, un moyen d’échapper à sa condition de femme pauvre et maladive dans une famille qui ne l’aime pas pour conquérir une forme d’indépendance pensée comme nivellement du pouvoir (illusoire) de l’homme et redistribution de ce même pouvoir entre les sexes. La relation qui unit Maud à Everett trouve dans sa brutalité une authenticité précieuse, puisque les violences verbales et physiques font transparaître une société patriarcale qu’affronte la femme non pas par la violence – Maud est inoffensive – mais par son talent, sinon par son génie. Formulé autrement, l’émancipation de la femme dans son couple passe par l’art, par la contamination progressive de l’espace domestique vite recouvert de fleurs, d’oiseaux, de fonds de couleur, par la lutte entre la grisaille, expression du mal-être de l’homme, et la mise en couleur de l’intérieur.


Si Maudie a tendance à appuyer de façon systématique le dolorisme de son personnage principal au cours d’un dernier segment larmoyant, il reste une œuvre solide et interprétée à la perfection (Sally Hawkins, Ethan Hawke) qui a le mérite immense de mettre sur le devant de la scène une des grandes figures de la peinture naïve.

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le 11 août 2020

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