Éloge du délégué syndical.

Metropolis est au cinéma de SF ce que les Misérable sont à la littérature : on se fait parfois chier, on voit les défauts, mais l'oeuvre est trop conséquente dans l'histoire du cinéma pour qu'on puisse oser en dire du mal.

Metropolis fait parti de ce genre de film qu'on ne peut pas "simplement" regarder, tant tout est TROP : le nombre de clichés de la science fiction que ce film a mis en scène est TROP grand (sans doute parce que c'est un peu le premier long métrage de SF "sérieux" du cinéma) le tournage a durée TROP longtemps et utilise TROP de moyen pour que ça ne soit pas encore visible à l'écran (rien que le nombre de figurants) et son réalisateur en a fait TROP quitte à utiliser du vrai feu pour la scène du bûcher et mettre en danger la vie de ses acteurs (je déteste ce genre de réalisateurs et ne comprend pas les gens qui sont fascinés par leur posture dictatoriales) les acteurs en font TROP (cinéma muet + expressionisme allemand) pour une durée TROP longue (surtout sous sa version finale de 2h30) et une interprétation TROP lourde de sens (c'était le film préféré d'Hitler... au désespoir de Fritz Lang qui avait des idée diamétralement opposée au nazisme.) Et le film de RinTarô a TROP rien à voir avec celui-ci.

Bavardage de geste :

Du coup, lorsque j'ai dû me le remater, j'y suis un peu allé à reculons. J'avais le souvenir d'un film, qui, même s'il était avant-gardiste et a influencé la Science Fiction (Ho putain, C3PO avec des nichons) m'avait un peu ennuyé. A le revoir, le problème n'est pas qu'il est ennuyant, mais plus que le côté "expressionisme" exacerbé, fait qu'on a l'impression de voir un film bavard.... alors qu'il est totalement muet.

Prenons la scène où Freder explique à son père qu'il est descendu chez les ouvriers, qu'il est révolté par leur conditions de travail et qu'il a vu une explosion : le gars déboule, il feint de tomber, il fait 50 mimiques du visage, part dans un sens et revient, avant même d'avoir expliquer où été le problème. Même chose avec l'interminable scène de Maria poursuivie dans les catacombes.

Pour un spectateur moderne, qui est habitué à des récits de science-fiction, on a une impression de déjà-vu, doublé de celle que le film passe son temps à s'auto-spoiler : les mimiques des acteurs nous expliquent déjà ce que l'on va voir dans le plan suivant ou quelle sera la révélation à venir.

Et surtout, Fritz Lang ne prend pas le côté "métaphore" à la légère et rentre dedans en mettant les pieds où il veut, mais surtout dans la gueule, effaçant toute trace de subtilité : les ouvriers sont littéralement représenté comme des esclaves sacrifiés sur un autel, la nana qui est chargée de faire ouvrir les yeux aux ouvriers s'appelle MARIA et elle prêche dans une église, sa contrepartie robotique déchaine littéralement les 7 pêchés capitaux, etc.... Et surtout, la morale de l'histoire nous est assené plusieurs fois comme une révélation incroyable : "Entre la main et le cerveau, le médiateur doit être le coeur" Alors qu'on a l'impression au final d'y voir une morale sur l'importance d'un délégué syndical au sein de l'entreprise. (Une morale que Fritz Lang lui même expliquera comme simplette à la fin de sa vie.)

Du coup, le film n'échappe pas au regard un peu amusé du spectateur de notre époque et de sa suspension d'incrédulité : les ouvriers qui sont heureux de noyer leur ville sans qu'aucun ne se disent "putain, mais c'est pas là qu'on a laissé nos gosses ?" le regard torve de robot-Maria ou bien le côté trop féminin de Freder qui donne un sous-texte gay involontaire, notamment lorsque celui-ci tombe dans les pommes au milieu du film après avoir vu sa copine dans les bras de son père. (Je vous met au défi de mettre un truc comme ça dans un film actuel sans que ça soit ridicule.)

A vrai dire il y a tellement de trucs involontairement comique (parce qu'il offre un décalage avec notre époque, notamment dans la façon de jouer, pas parce que c'est nul, on s'entend) que TvTropes en a même fait un drinking game dessus.

Mais un film culte quand même :

Le film reste un incontournable pour qui veux s'intéresser à l'histoire du cinéma, notamment, dans le nombre d'image qu'il a inspiré, et possède des scènes qui sont encore puissante aujourd'hui : la marche des ouvriers, les ouvriers esclaves de leur machine, la scène d'inondation, la naissance du robot, etc... Le design art déco est sublime, certains effets sont encore hyper bien foutus. Même si on sait que c'est des maquettes et des effets de miroirs le tout est assez indétectable. Il y a même des effets sur lesquels je me suis dit "mais merde, comment ils ont fait ça ?"

Malgré toute les méchancetés que je puisse dire sur le jeu étrange de l'époque et sur l'abus de métaphore, cela lui donne un charme surrané : On se dit devant de nombreux plans qu'on ne pourrait plus faire ça à notre époque mais que c'est aussi pour cela que Metropolis reste une oeuvre unique dans l'histoire du cinéma.

(Mais je ne le re-regarderais sans doute jamais.)