Le seul crédit accordable à ce produit bâclé (sauf pour jouer la confusion en mode docu-fiction) de méduses atrophiées à l'adresse des gogos et bouffons, c'est de montrer à quel point l'alternance de dictatures 'iron fist capitalist' et socialistes/populistes peut saboter les consciences artistiques – et spécialement le cinéma d'Amérique du Sud, le plus rempli de pensum politisés étriqués. Les archives et pubs ou pastilles télé où Papy Nochet s'adresse à nous sont à la fois le plus intéressant du film et des bouffées d'oxygène : ces moments-là sont assez grotesques et paradoxalement francs, bizarrement en assumant de vouloir la dominer ils sont davantage reliés à la réalité – et puis une tentative de manipulation trop flagrante et déjà mise en échec est forcément moins irritante.
Tourné avec une vieille caméra respectant le format télé des saines années 1980, avec un générique à la main (très littéralement), No joue la carte de l'authenticité et de la frontalité mais s'invalide en permanence, en laissant supposer que c'est la faute du marché – et en étant simplement d'une pauvreté injustifiable venant d'une équipe de non-amateurs. La branlette écœurante gagne la partie d'entrée de jeu, nos alliés de la liberté viennent offrir la fête et la musique à la jeunesse ; soyons rebelles – mais respectueux et socialo-politiquement consciencieux hihihi. Ces dialogues pour enfants de 8 ans auxquels on apprend les rouages de la politique sont démoralisants (mais peut-être pas indignes de la réalité de cette campagne vu la survenue du symbole de l'arc-en-ciel). Je me suis régulièrement demandé si le personnage de Garcia était réellement un crétin ; c'est embêtant quand il semble qu'on veuille en faire un héros détaché auscultant froidement son environnement.
L'univers des gens de ce film est des plus méprisables et actuellement toxiques : des bourgeois de la communication, professionnels du sauvetage du peuple via leur acuité médiatique (ils savent faire passer le message, ils connaissent la propagande, c'est donc la clé vers la lumière généralisée voyez-vous !?). Je hais cordialement tout ce qui travaille à leurrer la déprolétarisation 'possible' et ce film tape en plein dedans ; que lui et ses agents soient de bonne et gauchiste volonté n'absout en rien. Qu'il y ait une once de cynisme concernant les moyens est un pauvre minimum compensatoire. De plus, en tout cas dans le film, ces représentants de la coalition opposée à Pinochet (ils gagneront le référendum) sont très faibles en tant que force de proposition ; ils parlent de « pub coca cola » et c'est bien ça. Quand ils prétendent prendre le large ils ne font qu'apporter des couleurs plus fraîches et pimpantes au mal présumé : la mise au pas des masses au bénéfice d'un pouvoir [plus 'copain' qu'avant mais encore] un brin 'parental'.
Politiquement et très concrètement c'est finalement embarrassant ; on ne parle plus des souffrances et des disparus, on ne parle plus de politique, il faut sourire aux spectateurs. À l'occasion d'une intervention des puristes et d'activistes sérieux on peut s'en rendre compte, mais en laissant passer cette ambiguïté le film semble se sentir acquitté de sa tâche, avoir préservé son intégrité ; là encore, toute la moisissure de la 'gauchiasserie' faisandée (donc plutôt fausse – on peut le considérer comme un élément à charge si on sent sa sensibilité usurpée, être plus 'rassuré' par cette superficialité sinon) des insiders non-socialement conservateurs. Serait-ce un racolage de vieux libertaire ou socialiste en quête d'acceptation par les forces du milieu décomplexé ? Seule chose garantie : sur les apparences et l'inflation presque mystique dans lesquelles on se réfugie, Pablo Larrain a livré une représentation plus propre et sensée avec Jackie.
https://zogarok.wordpress.com/2020/11/15/no-larrain/