Stand by me partage avec La dernière séance de Bogdanovich un regard rétrospectif sur la jeunesse adolescente de 1951, à une différence près, mais de taille : si le premier le fait avec 20 ans d’écart, le second le propose en 1986, ce qui change à peu près tout. A cette époque, Les Goonies ont déjà sévi et infuse ce regard à la fois clinquant et réaliste sur la jeunesse : vulgaires, spontanés, déconnectés du monde des adultes, rivés à leurs private joke et leur propre langage (une constante chez Stephen King, du « skin it » au « pinky swear ») le tout dans une esthétique solaire qui fleure bon la forêt de carte postale comme elle n’existe qu’en Amérique, impeccable et fonctionnelle.
Bien entendu, le duo Reiner/King (Stephen, pas Ben E., à qui on doit la chanson éponyme qui ne sera diffusée que dans le générique de fin) ne joue pas sur le registre des attractions cartons pâte, et ambitionne une tonalité plus intimiste. Reconnaissons que l’importance du thème de la mort, même si un peu lourdement saupoudré (le grand frère, le revolver…) donne une certaine gravité au propos, notamment dans cette quête un peu absurde d’un cadavre d’enfant au bout du chemin.
Tout cela n’est pas dénué de prétention, et l’obsession d’émouvoir en grattant le vernis des apprentis gros dur se fait souvent au forceps, le parcours étant jalonné de la confession de chacun d’entre eux, appesanti par une voix off plus que dispensable. La fracture sociale à venir entre des gamins pour le moment fusionnels, le miroir déformant de la bande des grands avec qui se joue une course assez idiote, il faut le dire, semble dire sur un mode mineur les dérives d’une société fondée par et pour la violence. Certes. Mais ce n’est pas une très fade épiphanie avec un biche (qu’on définira comme telle parce que la voix off nous l’a indiqué) un concours de blague de cul ou une histoire – assez amusante, il faut l’avouer – de vomi collectif qui nous rendra tout ça prégnant ; ni cette pseudo réflexion sur l’origine de l’écriture, finalement substituable par n’importe quelle autre vocation.
Stand by me semble faire partie de ces films qu’il vaudrait mieux avoir vu à sa sortie, et dans un âge proche de celui de ses protagonistes. Non pas que l’enfance ne puisse émouvoir les adultes, qu’on aille voir du côté de Super 8 ou Moonrise Kingdom pour s’en convaincre.
Mais ce regard vieilli et falot appartient à une période révolue sur laquelle il semble que la nostalgie concerne d’avantage le film lui-même que les thématiques qu’il peine à traiter.
(5.5/10)