Plus de huit ans après son magnifique Two gates of sleep dont la sortie française tenait quasi du miracle (le film avait mis deux ans pour trouver un distributeur), Alistair Banks Griffin revient avec un second film pour lequel, visiblement, il a eu droit à plus de budget, et donc de marge créative. Et aussi à Naomi Watts en tête d’affiche de luxe. Présenté à Sundance et au Festival de Deauville l’année dernière, The wolf hour n’a à ce jour aucune sortie de programmée par chez nous. Et vu le peu d’enthousiasme critique qu’il a, à juste titre, suscité, il se pourrait bien que le film soit condamné aux abîmes de la VOD ou d’un direct-to-DVD.
Après avoir arpenté les contrées les plus reculées de la Louisiane et du Mississippi, Banks Griffin a radicalement changé de ton et de registre. Il a cette fois enfermé Watts dans un appartement miteux du Bronx en plein été caniculaire, celui de 1977, celui du fils de Sam, celui du blackout général des 13 et 14 juillet. Sorte de Barton Fink au féminin, The wolf hour a pour principale héroïne June Leigh, écrivaine qui a connu le succès avec son premier roman, mais en panne d’inspiration depuis quatre ans et souffrant d’agoraphobie (ou plutôt refusant toutes interactions sociales) suite à ce succès dont elle n’a su gérer certaines conséquences dramatiques.
Retranchée dans son studio, harcelée par un mystérieux inconnu qui sonne jour et nuit à son interphone, observant de sa fenêtre le désordre du monde extérieur, June sent que tout lui échappe, sa raison, son art et son existence. De ce scénario en forme de huis clos angoissant mettant à mal le processus artistique d’une femme en pleine introspection (et tentative de reconstruction), Banks Griffin brode un vague suspens psychologique qui tourne très vite à vide, développant superficiellement les thèmes abordés et son personnage, réduit à la figure classique de l’auteur(e) obligé(e) de toucher le fond pour créer à nouveau.
Quelques rencontres (une ancienne amie, un jeune livreur, un flic libidineux, un prostitué) viennent régulièrement étoffer l’intrigue sans que celles-ci n’apportent quoi que ce soit de substantiel à l’évolution de June (même Watts semble s’en rendre compte, en mode pilotage automatique) dont on sait à l’avance l’achèvement. Malgré une belle ambiance moite et oppressante, et un avant-final magnifique (sur lequel le film aurait dû s’arrêter plutôt que de nous livrer cette fin convenue), The wolf hour déçoit beaucoup de la part de Banks Griffin qui avait su, avec Two gates of sleep, nous éblouir avec peu de moyens, mais tellement plus de vertiges…
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