Jean-Pierre... Vous permettez que je vous appelle Jean-Pierre, M. Mocky ? Merci. Jean-Pierre disais-je donc, je vous aime beaucoup; vraiment j'ai beaucoup de sympathie pour vous, pour l'homme, pour votre grande gueule, votre indépendance, votre côté ni dieu ni maître comme dirait Ferré, votre capacité à cracher sur le système même si sans lui vous n'auriez surement pas pu réaliser un seul film depuis 30 ans, et puis simplement pour le charisme et la sympathie que vous dégagez et qui doit bien participer a la capacité qui est la vôtre d'avoir des castings d'exception dans des films qui ne les méritent pas toujours.
Jean-Pierre, si les années 2000 furent bien sombres pour votre cinéma tant, à l'exception notable du Furet, vos films ont vu se succéder les pires nullités aux pires navets, que les tournages à l'arrache à la DV, qui donnait une image ignoble a vos film, avec des lumières gérées par un stagiaire en mécanique auto, ne suffisaient pas a masquer le vide absolu de vos scenarii et le cruel manque d'ambition artistique de vos film (voir par exemple Grabuge! avec le regretté Serrault qui ne méritait pas de figurer au générique d'un film aussi mauvais).
Du coup, j'avais arrêté d'aller voir vos films, cette triste impression de vide qui s'en dégageaient, cet ennui qui s'emparait de moi pendant 1h30 et pis, cette sensation de voir la mort, film après film, d'un réalisateur qui avait quelques dizaines d'années auparavant réalisé des pièces d'anthologies tel Un drôle de paroissien, Le Miraculé, Les saisons du plaisir, Ville a vendre, A mort l'arbitre, La grande lessive! et j'en passe, que de grands souvenirs, que de films a part mais que de réussites de la vôtre.
Et puis, je m'étais laissé tenter pour redonner une chance a vos films avec Le Renard jaune. Et là, surprise ! Très bonne surprise même puisque le film était bon, de quoi relancer en moi l'espoir en vos films, et de quoi me redonner l'envie de vous suivre.
Et c'est donc, resté sur cette bonne surprise et avec le souvenir de ce Renard jaune que je me décidais à aller voir, en avant première, ce dernier film de et présenté par vous même.
Et là c'est le drame... Jean-Pierre, dans votre présentation avant projection du film, vous nous avez dit que le film avait été bien reçu en projection test, je vous conseille vraiment de changer vos invités à ce type de projection car c'est vraiment pas possible qu'on ait pu honnêtement vous dire ca.
Pour résumer ce qui ressort du film, partagé par la quasi totalité des spectateurs présents ce soir là et avec qui j'ai pu échanger quelques mots : c'est une catastrophe !
Déjà vous dites que c'est un film de cinéma, mais non M. Mocky, passer ça dans un cinéma c'est une horreur, l'image est dégueulasse, ça semble être tourné avec une camera juste bonne a faire des reportages pour le JT mais là, projeté sur grand écran ca pique les yeux, c'est bourré de défauts de compression, du capteur, dès que la scène est un peu sombre (et c'est le cas d'une bonne partie des scènes du film) c'est a vomir tant l'image est mauvaise. Je sais Jean-Pierre que vous allez dire que vous n'avez pas de budget (ce qui est certes vrai) mais est-ce qu'il ne faudrait pas mieux faire un film sur 2 ou 3 mais avoir assez de budget pour tourner en Super 16 ou apprendre à utiliser la RED et vous payer des lumières dignes de ce nom ? Car parlons des lumières maintenant, le film est éclairé, dans toutes les scènes d'intérieur par 2 ou 3 malheureux projos qui distillent une lumière aussi pauvre qu'artificielle. Et un petit coucou au passage au cadreur qui apparait a de (bien trop) nombreuses reprises (dans la miroir de la salle de danse, dans la sonnette sur le comptoir de l'hôtel, dans les reflets des carrosseries...). Tout ça fait très amateurs, indigne d'un réalisateur avec autant de bouteille que vous Jean-Pierre.
Venons en maintenant a ce qui, normalement, devrait être la marque d'un bon Mocky : le casting et les acteurs. Vous avez, loin de vos habitudes, décidé pour ce film d'éviter les grand acteurs qui, habituellement, peuplent vos longs métrages pour leur préférer des inconnus ou quasi (dixit vous-même, on ne les connait pas car ils ne font que de la télé habituellement, pas de cinéma). Sauf que ces petits nouveaux jouent complètement à côté ! A part Delphine Chanéac (au demeurant magnifique) et François Vincentelli (très bon dans son rôle, ça mérite vraiment d'être souligné), les autres acteurs jouent affreusement faux, comme s'ils avaient été laissés en roue libre. Signature de tout bon Mocky qui se respecte, il y a bien sûr le rôle qui en fait trop, et cette fois c'est vous-même, en personne qui vous y collez. Désole Jean-Pierre, mais vous en faites vraiment trop dans votre rôle de vieil agent secret des RG, boîtant atrocement comme si vous aviez été mutilé et torturé la veille, heureusement que vous ne faites que 2 petites apparitions. D'ailleurs il fait quoi votre personnage dans l'histoire Jean-Pierre ? Il n'a aucun lien avec l'histoire, il arrive comme un cheveux sur la soupe, d'un coup sans prévenir, il vient faire sa petite scène, poser quelques question et bye bye. Il sert a quoi dans l'histoire a part ajouter de la confusion au récit ?
Et Jean-Pierre, je ne sais pas ce que vaut le livre au départ, mais votre traitement de l'histoire ne va pas, mais alors pas du tout. Jean-Pierre, un polar pour que ça fonctionne et que ça soit intéressant, ça doit reposer sur un de ces 3 points : l'enquête, les personnages ou l'atmosphère. Un Agatha Christie repose sur l'enquête, comme un Sherlock Holmes, les personnages ne sont pas très intéressants, il n'y pas d'atmosphère particulière mais c'est l'enquête, la façons dont elle est menée, l'esprit supérieur d'un Holmes ou d'un Poirot qui vont tenir en haleine le spectateur et lui donner envie de rester jusqu'à la fin de l'affaire. Un Columbo repose sur les personnages, l'inspecteur et l'assassin, mis face a face, et c'est pour ca que ca fonctionne, ce point est sur-développé dans chaque épisode et l'on regarde pour en savoir plus sur ces personnages et les suivre. Un Maigret repose lui sur l'atmosphère, c'est ca qui rend le film intéressant, elle est atypique, toujours très travaillée et c'est elle qui contient la clef de toute l'affaire.
Autre exemple Jean-Pierre, qui était réussi, votre Renart Jaune, il reposait sur l'atmosphère de ce petit café atypique, sorte de monde a part dans paris, avec ces habitues aux histoires aussi tragiques que chaotiques, mais auxquels on avait une certaine compassion et donc un certain intérêt, que ca soit pour Béatrice Dalle, Brasseur, Diefenthal, Lavanant... Mais la, rien ! L'enquête est quasi inexistante, on a l'impression que personne ne réfléchi a trouver la solution, les mecs cherchant juste a protéger (et se taper...) Deborah, qui elle semble limite se foutre de la situation pendant toute la première moitié du film, genre mon mari a disparu mais c'est pas grave... on a retrouvé des traces de son sang dans la voiture mais c'est pas grave, la voisine se fait descendre, c'est normal, elle cherche même pas ce qui a pu se passer... et après, elle va juste se balader à droite à gauche pour parler avec untel ou unetelle autre qui ne lui apprennent rien et ne font rien avancer. Les personnages ? Lesquels ? Y'a pas d'enquêteur, pas d'enquête, et le coupable nous débite en 30 secondes le motif à la fin du film ! L'héroïne est en plus tellement vide, sans histoire, sans rien a cacher.. qu'elle n'a aucun intérêt, on s'en fout d'elle ! Et alors l'atmosphère, là c'est le pompon. le film se passe dans un milieu petit bourgeois de banlieue, vieille éducation, cul-coincé. On aurait pu croire à du Chabrol a première vu, sauf qu'il manque une chose, celle qui aurait rendu cela intéressant : le personnage extérieur, l'élément perturbateur ! Vous imaginez une seconde Inspecteur Lavardin si Lavardin avait lui aussi été vieille France bourgeoise comme ceux à qui il avait affaire ? Ca n'aurait plus eu aucun intérêt, ce qui fait tout l'intérêt du film, c'est cette confrontation de 2 mondes antagonistes, cette l'arrivée de Lavardin au verbe fleuri et à la réplique qui fait mouche dans cette vieille France coincée prout-prout, c'est l'allumette qui allume la mèche de la dynamite. Alors que vous, cher Jean-Pierre, vous nous montrez pendant 90 minutes un bâton de dynamite que jamais vous n'allumez, on le regarde en se disant "ca y est, ca va péter, c'est là, maintenant, il va l'allumer, ca va péter" et... générique de fin !
Finissons avec la musique, signée si je me souviens bien Vladimir Cosma qui c'est, comment dire, foutu de votre gueule Jean-Pierre. Non vraiment là je ne peux pas dire autre chose, Cosma c'est foutu de vous Jean-Pierre quand il vous a donné cette musique ! On croirait que ca a été composé par son petit-fils ou arrière-petit-fils sur un piano à 8 touches pour gamin ! La la#, la sol# la#, la la#. Et ce sont ces 7 notes qui font toute la musique du film ! Y'a pas une seule autre note de tout le film ! Rassurez-moi Jean-Pierre, il ne vous a pas fait payer ça Cosma, il vous l'a fait gratos au moins ?

Désolé Jean-Pierre, mais rien ne va dans votre film, tout est à revoir et votre manque cruel et réel de budget ne permet pas de tout expliquer et tout excuser, il y a là des problèmes de toute autre nature et qui sont inexcusables pour quelqu'un qui a 60 ans de carrière dans le cinéma.
MacNiaque
1
Écrit par

Créée

le 9 janv. 2015

Critique lue 1.2K fois

2 j'aime

MacNiaque

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

2

Du même critique

Let’s Dance
MacNiaque
10

Critique de Let’s Dance par MacNiaque

Fraichement sorti de son exil berlinois, alors qu'il a digéré son divorce d'avec Eno, Bowie comprend le potentiel qu'offre cette musique, encore assez réservé qu'est la funk. Il appelle donc The Chic...

le 21 juin 2012

8 j'aime

1

Le Lac des morts vivants
MacNiaque
10

Critique de Le Lac des morts vivants par MacNiaque

Si Ed Wood est aujourd'hui considéré comme le pire réalisateur qu'ai connu Hollywood, il est temps de considérer Rollin pour ce qu'il est : le pire réalisateur au monde. Car oui, amis à la recherche...

le 19 juin 2012

8 j'aime

Le Grand Silence
MacNiaque
10

Critique de Le Grand Silence par MacNiaque

LE plus grand des western, celui après lequel les autres western spaghetti semblent tous dépassés. Après avoir imprimé les codes du western Spaghetti avec son magnifique Django, Corbucci décide de...

le 21 juin 2012

8 j'aime

1