Réalisateur, scénariste et monteur britannique, principalement sur les films de Ridley Scott, Andrew Haigh signe avec Week-end son deuxième long-métrage. Une histoire d'amour gay déchirante concentrée sur une fin de semaine puisqu'un des deux protagonistes, Glen, doit s'envoler pour Portland, Oregon dès le lundi suivant. C'est donc placé sous le signe de l'éphémère que cette histoire démarrée par une rencontre dans un club gay le vendredi soir va se dérouler et ébranler dans leurs convictions et approches respectives Russell et Glen. S'ils se ressemblent physiquement (bruns, barbus et poilus), ils affichent en revanche des différences sur leur façon de vivre leur sexualité et une relation de couple. La facilité reviendrait probablement à voir dans le discret et effacé Russell un garçon plus introverti, mal à l'aise avec son orientation et plus 'fleur bleue', tandis que l'entreprenant et extraverti Glen jouerait davantage dans le registre du plan cul sans lendemain et sans engagement.

Mais ce n'est pas un des moindres mérites de Week-end de nous surprendre, de nous faire voir les deux hommes autrement, plus complexes, tourmentés, dans le doute et les interrogations, l'un comme l'autre chargé d'un passé plutôt lourd, Russell orphelin, Glen sortant juste d'une relation destructrice. Film sur l'amour et sur les sentiments humains en général, Week-end fait le pari audacieux et réussi de l'intimité et de la proximité. Andrew Haigh construit son œuvre autour de deux longues scènes nocturnes dans le salon et le lit de Russell où les deux amants se confrontent dans de passionnantes discussions sur leur peur et leur excitation devant cet horizon de possibilités qui s'ouvre à l'aube d'une rencontre. Sera-t-elle source de bonheur et de sérénité ou au contraire vouée à l'échec irrémédiable ? Ces échanges vifs saisis dans la durée nous rapprochent au plus près de Russell et Glen, en nous faisant prendre conscience que les trois jours de ce week-end impromptu, comme une parenthèse enchantée avant un départ inéluctable mais qui donne dès lors une saveur exceptionnelle à l'événement, celle de l'instant magique, de l'unicité et donc de l'éphémère, vont s'inscrire à jamais dans la mémoire de Russell et Glen, peut-être modifier à l'avenir leur rapport aux autres.

Gay lui-même, Andrew Haigh place logiquement son film dans un contexte homosexuel, imprimant pour le coup une authenticité frappante dans le déroulement de la relation entre les deux hommes (sexe, alcool et drogue rythment le week-end), mais cette option n'empêche en aucune manière de saisir l'universalité du propos : nos luttes internes comme nos contradictions rejaillissent au travers de la trajectoire singulière de Russell et Glen. Refusant de détourner artificiellement le cours des choses tel qu'il est annoncé, passant sur la dimension sociale chère au cinéma britannique, mais après tout les vétérans Ken Loach et Mike Leigh s'en chargent déjà si bien, Andrew Haigh réalise un mélo attachant et bouleversant, jamais mièvre ni niais. Au contraire, la subtilité de son écriture et de son regard déjoue avec intelligence et fragilité les codes habituels de la romance amoureuse. Un angle inédit et réaliste d'observation à la fois sentimentale, amère et sans illusions, de la genèse d'un couple, fût-elle limitée à un...Week-end.
PatrickBraganti
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le 3 mai 2012

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