A Real Pain
6.5
A Real Pain

Film de Jesse Eisenberg (2024)

Après le très discret mais attachant premier essai à la réalisation que fut Quand tu auras fini de sauver le monde en 2022, Jesse Eisenberg poursuit sa carrière dans un projet assez semblable en termes d’ambition : creuser le fertile sillon du cinéma indépendant américain, où l’on peut voir des stars confirmées se faire plaisir dans des pas de côtés intimistes et moins glamour.


A Real Pain recycle plusieurs projets d’Eisenberg, dont une pièce de théâtre écrite en 2013 et une nouvelle publiée dans un magazine. À l’origine, un voyage en Pologne sur les traces de la famille de son épouse, et la visite à la maison de sa propre tante qui le marquent profondément quant à l’impact de l’Holocauste sur sa propre destinée, avant le grand exil vers l’Amérique.


À l’inverse de The Brutalist, qui suit le parcours et l’intégration du juif européen dans le Nouveau Monde, A Real Pain retrace une sorte de pèlerinage de deux cousins, dans le dispositif saugrenu d’un tour opérateur proposant un voyage organisé autour des sites marquants de l’Holocauste en Pologne. La satire, jamais frontale, sur l’attitude des Américains soucieux de leur confort tout en se confrontant aux horreurs de l’Histoire, donne le ton d’un film sans cesse sur le fil, oscillant entre comédie, road trip feel good et traversée de champs de mines émotionnels.


Le formidable duo de cousins, incarné par Eisenberg lui-même et Kieran Culkin, ravi de pouvoir changer de registre après Succession, exploite avec finesse le duo improbable, où les comportements opposés génèrent autant de conflits qu’ils permettent à l’autre de mieux se connaître.


La tonalité, très versatile, épouse les sautes d’humeur de Benji, tantôt extatique, tantôt taciturne, et dont les excès définissent l’atmosphère d’un groupe séduit, puis embarrassé et exaspéré. Ce qu’en anglais, on nommera « a real pain ». Mais cette « vraie douleur » que cherche à définir le titre circule aussi d’une subjectivité à l’autre, et se révèle commune derrière une série de façades : celle de l’adulte responsable que serait devenu David, du trublion Benji, avant de prendre une ampleur convoitée mais redoutée à travers le voyage mémoriel dans une Pologne solaire, filmée à son avantage, mais qui ne peut ignorer les béances de son passé.

Sans céder aux développements souvent attendus des trajectoires psychologiques du road trip dérivant vers le développement personnel, A Real Pain capte avec justesse la question de l’identité au regard de l’Histoire. Le voyage, s’il ne débouchera pas sur les grandes révélations attendues (très belle scène face à la maison natale, touchante parce que déceptive) ou le live changer convoité par l’air du temps, propose un rebours tout à fait salvateur. À l’écart du flot continu et d’un présent dénué d’identité, le temps pris pour se souvenir,


Sergent_Pepper
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Famille, Road Movie, Mémoire, Vu en 2025 et Les meilleurs films avec Jesse Eisenberg

Créée

hier

Critique lue 103 fois

11 j'aime

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 103 fois

11

D'autres avis sur A Real Pain

A Real Pain
Sergent_Pepper
7

Se souvenirs de telles choses

Après le très discret mais attachant premier essai à la réalisation que fut Quand tu auras fini de sauver le monde en 2022, Jesse Eisenberg poursuit sa carrière dans un projet assez semblable en...

11 j'aime

A Real Pain
cadreum
8

Catalyseur de réflexions

Dans A Real Pain, Jesse Eisenberg propose un road movie postmoderne qui, sous des allures faussement légères, offre de profondes réflexions. Ici, le voyage de deux cousins américains vers la Pologne,...

le 19 janv. 2025

10 j'aime

1

A Real Pain
RedArrow
7

Souffrir face à une bien plus grande souffrance

Liés bien au-delà du sang, deux cousins se retrouvent pour un périple en Pologne sur les traces de leur défunte grand-mère juive, survivante des camps de la mort...Pour peu que l'on soit familier de...

le 18 janv. 2025

6 j'aime

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

776 j'aime

107

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

721 j'aime

55

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

624 j'aime

53