Il n'est pas facile de donner un sens à sa vie. Telle peut être une des morales de l'histoire. Surtout si on est quelqu'un de sérieux que le destin ne ménage pas. Sérieux, Larry Gopnick l'est assurément. Professeur de physique à l'université, père de famille modèle, Lawrence Gopnik est aussi un membre de la communauté impliqué qui incite son fils à étudier chaque jour la Torah pour qu'il comprenne le sens profond de sa bar-mitzvah.

Mais Larry Gopnick (interprété par un acteur peu connu Michael Stulhbarg ), n'est pas pris au sérieux par son entourage, c'est là une partie de son drame, et il n'a pas un entourage aussi sérieux que lui. Son épouse Judith lui préfère son collègue et ami Sy Ableman plus âgé et de plus grande taille, qui possède le charisme et la fière allure que lui procurent l'âge, la taille et un langage sentencieux. Judith annonce froidement à Larry sa décision irrévocable de divorcer. Premier but en contre. Son fils, sous une apparence studieuse, fume de l'herbe et écoute Jefferson Airplane pendant les cours du rabbin (nous sommes en 1967). Déjà deuxième but en contre, il faut se reprendre ! Sa fille adorée lui vole son portefeuille. Déjà 0 - 3 ! Heureusement, le frère aîné de Larry se distingue par ses capacités scientifiques hors du commun. Mais voilà que la police débarque pour arrêter le frère aîné tant admiré, accusé de racolage sur la voie publique et de sodomie (!) 0 - 4 ! « Accepte avec simplicité ce qui t'arrive » conseille le jeune rabbin Rachi à qui Larry Gopnick demande pourquoi le sort s'acharne ainsi sur lui.

Côté vie professionnelle ce n'est guère mieux. Un des élèves de Larry Gopnick, un Coréen, lui propose de modifier sa note en échange d'une enveloppe bien remplie. Les frères Coen réussissent à faire passer un rare trait d'humour dans cette mésaventure. Ayant bien sûr refusé, Gopnik voit bientôt rappliquer le père de l'élève passablement énervé: « CHOC DES CULTURES ! CHOC DES CULTURES ! JE VAIS TE FAIRE PROCÈS EN DIFFAMATION ! » le menace le Coréen. Suite à cette affaire, le responsable de Gopnik hésite à le titulariser à cause de mystérieuses lettres anonymes qui le mettent en cause. « Accepte avec simplicité ce qui t'arrive » dit le rabbin Rachi. Oui, c'est bien joli, mais le score commence à enfler grave, et il devient véner le Larry ! Et voilà -t-y pas qu' au volant il rencontre le jeune Coréen en mobylette. « Petit salopard va! » un instant d'inattention et c'est l'accident pour Lawrence Gopnik, voiture HS. Mais au même moment Sy Ableman meurt fort à propos dans un accident de voiture. 1- 4 ! Est-ce enfin un début de remontée au score et enfin la manifestation d' HM (ou d' HaShem )?

Comme c'est un homme sérieux, Larry va chercher des réponses à la signification de ses malheurs chez deux autres rabbins, un peu comme dans le livre de Job où Job demande à trois amis philosophes l’origine de ses souffrances. Alors que les deux premiers ont éludé adroitement ses questions, le troisième, le plus vieux et le plus sage en apparence, mais en apparence seulement, cite les paroles du Jefferson Airplane. « You better find somebody to love ... » ???

A serious man est un film sur un loser qui passe à côté de sa vie en cherchant notamment des réponses à des questions qui n'en appellent pas. La vie n'est qu'une succession de coïncidences qui n'ont un sens que si l'on veut bien leur en donner un, tout n'est qu'une question de perception et la religion ne peut répondre aux questions sans réponses. Larry Gopnick se fourvoie dans sa quête, et on peut se demander s'il pourra un jour remonter au score.

L'histoire finit mal. A la fin Gopnik apprend qu'il est gravement malade. 1 - 5 !

Le film n'est pas dans la tonalité ironique habituelle mais c'est un des films les plus personnels des frères Coen. C'est un film sur eux, sur leur famille et ce qu'ils auraient pu devenir s'ils avaient écouté leurs proches, une famille d'intellectuels, et le discours dominant qui affirme qu'en étant appliqué, volontaire et travailleur, tout devient possible. Les frères Coen ont eu la chance de n'écouter personne, et la chance d'être deux pour se soutenir mutuellement. Il n'empêche que le film est tristounet. Et comme il fallait s'y attendre le scénario n'était pas des plus vendeurs et les frangins ont eu bien du mal à convaincre les producteurs. D'ailleurs le film est l'un de leurs pires résultats au box-office ! Il y a pourtant un autre message tout simple: il vaut mieux prendre la vie avec légèreté tant qu'on peut. A cette condition, et à la condition de prendre le temps de réfléchir à décrypter leurs intentions, on peut affirmer que les Coen ont réussi leur pari de filmer les soucis de la vie courante avec un sérieux légèrement drôle. Ou avec une légèreté drôlement sérieuse.

Zolo31
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films des frères Coen et Les meilleurs films sur la religion

Créée

le 8 mai 2023

Critique lue 36 fois

7 j'aime

5 commentaires

Zolo31

Écrit par

Critique lue 36 fois

7
5

D'autres avis sur A Serious Man

A Serious Man
Torpenn
7

Le cantique des quantiques

Après le plus que mitigé Burn after Reading, les frères Coen reviennent agréablement à leurs origines et revisitent le mythe de Job. Ce film raconte les mésaventures de Larry Gopnik, professeur de...

le 6 déc. 2012

87 j'aime

24

A Serious Man
obben
8

Why so serious ?

Dés les premières minutes d'A Serious Man, les frères Coen développent un univers délirant, mélange de tradition (l'introduction en apologue sans morale), de révolution culturelle et de rock...

le 24 mars 2012

61 j'aime

3

A Serious Man
pphf
8

Joliment décoennant (autoportrait ?)

Question clé : est-ce vraiment un film des Coen ? Le thème, presque trop personnel (alors qu'ils ne parlent jamais d'eux-mêmes), le casting, très différent de leurs autres films, des préoccupations...

Par

le 6 oct. 2013

51 j'aime

9

Du même critique

La Vie scolaire
Zolo31
7

Wesh Moussa, j’te connais, mec de mon bâtiment !

J’ai bien failli faire l’impasse sur ce film mais nous étions le 31 août et il me restait deux tickets de cinéma à utiliser dernier délai, donc retour vers l’enfer du 9-3, bien planqué cette fois-ci...

le 1 sept. 2019

34 j'aime

10

Thalasso
Zolo31
7

Extension du domaine de la lutte par l'utilisation combinée des bienfaits du milieu marin

Le cinéma français aurait-il trouvé un nouveau souffle grâce à l'absurde ? En même temps que sort Perdrix du prometteur Erwan Le Duc paraît donc le nouvel opus de Guillaume Nicloux, Thalasso. Le...

le 21 août 2019

28 j'aime

10

Julieta
Zolo31
5

Homéopathie? Pauv' Julieta!*

Similarité, identité, conformité et similitude. Le dernier opus d'Almodovar respecte ces principes. Principe de similarité Julieta est un film sur les rapports mère - fille, comme tous les films...

le 1 juin 2016

28 j'aime

1