Retour aux années 50. C’est l’âge d’or Disney. Walt Disney lui-même travaille encore personnellement sur ses films. L’animation artisanale est à son apogée et Disney ne fera jamais mieux (pas sans l’aide de Pixar en tout cas). La formule Disney est simple, trouver un comte folklorique plus ou moins symbolique, lui retirer tout détail perturbant et polir l’histoire pour en faire une histoire magique qui anime les souvenirs d’enfance de plusieurs générations.
Alice au pays des merveilles (1950) n’est pas étranger au processus et représente selon moi la réussite d’un savoir-faire accidentel qui est jeté à la poubelle dès l’arrivée de l’animation 3D et des live-action qui sont presque une insulte à Disney. Je parle ici de Wabi-Sabi. Le Wabi-Sabi est une philosophie japonaise qui glorifie l’imperfection comme une qualité. Alice au pays des merveilles est donc imparfait mais d’une bonne manière tout comme le sont la plupart des films Disney de cette époque. Ces imperfections sont surtout présentes dans l’animation la rendant plus rêveuse et même psychédélique. Le film a donc une approche plus libre sur les thèmes plus philosophiques de l’histoire, et c’est précisément ce que je reproche au film de Tim Burton.
Alice au pays des Merveilles (2010) paraît presque 60 ans après le film d’animation. Inutile de dire que la technologie a évolué d’ici-là. Disney fait fausse route en pensant que la technologie les aidera dans leur expression et dans la qualité de leurs films maintenant devenus des live-action a budget hollywoodien. Par leur approche précise de l’histoire ils tuent cette liberté d’interprétation si importante a une histoire qui ne devrait pas être expliquée. Et tout cela sans mentionner le fait que Alice au pays des merveilles était déjà condamné dès le départ. En effet, pour une raison qui m’échappe, ce film est en réalité une suite de l’histoire originale. Une suite complètement artificielle étant donné que Lewis Carroll ne l’a jamais écrite. Le film se sert d’ailleurs d’un poème que Lewis Carroll a écrit et qui n’avait rien à voir avec Alice au pays des merveilles.
En lisant le livre il est évident qu’une suite n’avait jamais été considérée. Et c’est un peu ce qui fait la force de Alice au pays de merveilles (1950), le film reste fidèle au livre et ce, même dans son interprétation car un film demeurera toujours une interprétation du livre sur lequel il est base (c’est diffèrent si c’est un script original bien sûr). Or, notre cher Burton étant un illustrateur, n’aime pas l’abstrait. On se retrouve donc avec des explications qui sont, en l’occurrence, néfaste au récit. Toute ambiguïté est perdue, et c’est un peu ce qui faisait le charme du film d’animation. En y ajoutant l’intrigue forcée d’un blockbuster l’ambiance si rêveuse du comte est perdue malgré les efforts visibles du réalisateur.
On aperçoit en effet une certaine volonté de d’accaparer le « Wonderland » et d’en faire une dimension tangible et visuelle. De la même manière l’intrigue et tous les aspects de la vie d’Alice sont expliques bien maladroitement par moments et sont finalement bien souvent inutiles à l’histoire. En effet, on a l’impression que Burton essayé de meubler tant bien que mal l’intrigue au point d’oublier ce qui faisait réellement le charme de l’histoire. Certes, les personnages sont bien travaillés et sans aucun doute la meilleure partie de l’histoire, mais leur omniprésence et leurs traits de caractère quelque peu exagérés par moment parasitent l’intrigue d’un film qui aurait finalement pu être bouclé en une heure.
On revient donc au fameux Wabi-Sabi. Ironiquement, le film aurait gagné à avoir plus de « défauts ». Tim Burton aura tout de même le mérite d’avoir essayé. La volonté d'atteindre la perfection sur tous les points assure l'échec du film. Et ce, ironiquement, même dans sa quête de perfection.