Un employé modèle japonais part en Chine enquêter sur un filon de jade, accompagné d'un yakuza très soupe au lait venu vérifier que les dettes du patron du premier pourront être honorées - et d'un traducteur local. C'est un peu un road-movie pendant la première moitié du film, sauf que le trajet finit par impliquer de délaisser les sentiers battus, au sens propre comme au figuré...
La saison n'est pas touristique, et le ciel n'est pas vraiment rayonnant, mais les paysages sont magnifiques, et on a d'autant plus une impression d'authenticité, même si évidemment il s'agit d'une fiction (la résistance aux chutes des personnages ou encore la rapidité d'action des champignons hallucinogènes ne sont pas très réalistes par exemple).
Mais là où le film réussit vraiment, c'est dans la surprise des deux personnages urbains et stressés face à la découverte de l'inconnu - on est surpris nous aussi, et personnellement j'ai été ravi de voir une sensibilité réelle ne pas s'abîmer dans la mièvrerie.
Aucune grande leçon ne se dégage de ce film, sa conclusion est un compromis, mais c'est justement là ce qui fait son charme : la réaction des deux japonais est complètement humaine, typiquement humaine, par delà les spécificités culturelles, c'est une sorte de retour à l'enfance, au rêve, mais à un rêve intemporel, celui (attention cela ne suffit pas à résumer le film !) de s'élancer dans le ciel et d'y arriver, parce qu'à force de le vouloir on peut. Mais ce n'est pas le mythe du self-made-man que l'on trouve en filigrane, mais une considération solide sur l'existence qu'un Nietzsche n'aurait pas reniée (oui bon là vous vous dites que je suis hors sujet, mais voyez donc le film avant de me taxer de cuistre !).
Voilà je n'en dis pas plus sur le scénario sinon ce sera moins drôle à voir. Mais ne vous attendez pas à un film d'action ou moraliste. C'est un film qui dépeint l'état d'avancement de l'humanité au XXème siècle, point barre.
A la différence de Shania Wolf (dont j'ai cependant apprécié la critique), je ne crois pas que le film mérite une indulgence particulière vis-à-vis du contexte asiatique. Tout d'abord, même si dans l'ensemble le scénario est très universel (enfin, autant que l'on puisse dire que la confrontation entre la ville moderne et la campagne traditionnelle soit universelle), je ne pense pas qu'une adaptation américaine ou européenne aurait été comparable. Les civilisations urbaines de ces deux continents ont tout simplement perdu le sens de la simplicité (qui ne réapparaît qu'à la faveur de modes provoquées par la culture dominante), et l'aspect mythologique est tout bonnement corrompu par des siècles de judéo-christianisme. Certes je ne connais pas le Japon, mais les japonais ont le culte Shinto qui si je ne m'abuse lie leur perception du monde beaucoup plus directement à la nature - tout cela pour dire qu'un même scénario en Europe ou en Amérique n'aurait pas donné un film aussi profond, ou du moins, il l'aurait été différemment, sur d'autres points. Quant aux gags, je ne pense pas qu'ils soient lourds. C'est de l'humour potache tel qu'il en existe chez nous aussi - même dans des films reconnus comme excellents - et on est quand même bien loin des clichés les plus médiocres sur le monde rural.
J'ai hésité à mettre un 9 tant ce film m'a surpris par sa qualité (et comme on l'a dit ailleurs, son contraste avec le reste de l'oeuvre de Miike) ; mais m'étant ramassé un badge "école des fans", je me suis résolu à un 8, car pourquoi, après tout, associer à la perfection ce qui s'approprie à ce point la spontanéité, l'innocence, la simplicité ? Ce film est sans prétention, et s'il se trouvera toujours des rageux pour dire que c'est justement là que c'est prétentieux, ce n'est pas à moi de vous le vendre comme un chef-d'oeuvre - non c'est simplement quelque chose de génial, de très humain, et si vous voulez voir du pays chinois sans idées préconçues, sans tragédie et sans grandiloquence, je ne peux que vous le recommander vivement !!!