Il y-a de quoi être dubitatif à l'encontre de l'affiche du film "Black snake moan" de Graig Brewer ("Hustle & Flow") ? En effet on a l'impression de se trouver face à une reproduction photo d'un dessin de Frank Frazetta. On y voit un Samuel Jackson debout, tous muscles dehors, empoignant fermement une chaîne en acier avec à son bout, la sexy Christina Ricci à genoux, soumise tenant les maillons telle une barre de Pole Danse ? Aurions-nous affaire à une péloche Grindhouse bien dégueulasse ? Au contraire, loin de toute perversité inutile et avec une grande finesse et une audace incroyable, le réalisateur Graig Brewer va faire se télescoper deux destins, deux personnages, deux histoires douloureuses. D'un côté la jeune Rae (C.Ricci), jeune femme au passé douloureux, atteinte de nymphomanie devenue au fil du temps, le véritable paillasson d'une petite ville du Tennessee et de l'autre Lazarus (S.Jackson), fermier et ancienne gloire locale du blues dont la femme vient de se faire la malle. Aucune chance que dans cet état du Sud, ces deux individus facent un bout de chemin ensemble. Pourtant, le destin en décidera autrement, le jour où Lazarus retrouvera la jeune Rae rouée de coups laissée pour morte dans un fossé. Après avoir soigné les blessures physiques de Rae, Lazarus se verra contraint d’enchaîner la jeune femme toujours possédée par ses pulsions. Brewer filme avec une audace folle des moments cocasses comme cette irrésistible scène où Samuel Jackson apeuré, bible à la main fait face impuissant à une Christina Ricci en pleine transe, on se croirait dans "L'exorciste"). Mais Lazarus n'est pas le père Caras du film de Friedkin, il en est tout le contraire. Au grand dam de son meilleur ami le révérend R.L (l'excellent John Cothran Jr), Lazarus s'est éloigné de l'église et des autres. Sans jamais tomber dans le pathos facile et en évitant l'écueil des problèmes sociétaux tels que le racisme, où le fanatisme religieux, Graig Brewer peut se concentrer uniquement sur ces deux âmes perdues. Une fois débarrassé de ces oripeaux, Brewer laisse la musique Blues donner corps à une amitié indéfectible entre un homme sans descendance et une jeune femme sans père. "Black snake moan" est à la fois une résurrection et une renaissance !!