BORGO est un film subtil et intelligent qui nous plonge dans l’univers du grand banditisme en Corse. C’est par les yeux de Mélissa, matonne nouvellement nommée à la prison de Borgo, que le spectateur découvre ce monde de clans et de règlements de compte. A ses yeux, et aux nôtres, se révèle une Corse qui a ses propres lois.
Premier étonnement de Mélissa, et le nôtre, dans la prison de Borgo, les prisonniers corses sont réunis dans la même unité où les cellules sont ouvertes, leur permettant ainsi de communiquer, de circuler et de recréer la guerre des clans qui fait rage en dehors de ces murs. La directrice de la prison a bien du mal à asseoir son autorité (grand plaisir de retrouver Florence Loiret-Caille venue tout droit du Bureau des Légendes) et prévient Mélissa « Ici, ce sont les détenus qui surveillent les gardiens et non l’inverse ». !!!
Mélissa en a vu d’autres dans sa vie apparemment, même si le scénario n’explore pas son passé, et on la voit se faire respecter peu à peu par ces colosses qui la surnomment Ibiza. Ils deviennent sympathiques, même protecteurs avec elle, entonnant en corse dans une très belle scène de prison, la chanson de Julien Clerc qui lui a valu son surnom. Elle tisse des liens, rend des services, prête un ventilateur, achète des clopes et l’engrenage se met en route, une spirale qui commence par ces petits services rendus et l’entraîne là où personne ne voudrait se rendre moralement, dans la vallée du mensonge puis de la mort.
Les acteurs sont formidablement justes et la réalisation est parfaite, jamais Mélissa n’est jugée, les prisonniers non plus, tous les personnages sont montrés dans leur humanité, dans ce qu’elle a de beau : créer du lien, s’aimer et s’entraider, comme dans ce qu’elle a de pire : le mensonge, la haine, le meurtre.
Le film nous offre l’occasion de faire travailler notre esprit critique et notre sens moral, celui qui permettrait peut-être à Melissa de faire un pas de côté sans trahir l’humanité de ses hommes. Se pose aussi la question du sens du devoir, la difficulté de rester sous sa loi sans perdre son humanité.
La dernière image que je ne dévoilerai pas, reste dans la rétine et nous laisse avec cette question de philo (sortez une feuille, vous avez deux heures :))
"Chaque homme trouve en sa raison l'Idée du devoir et tremble lorsqu'il entend sa voix d'airain pour peu que s'éveillent en lui des penchants qui lui donnent la tentation de l'enfreindre". Fondements de la métaphysique des mœurs KANT