Sur le papier, ce film de 1971 doté d’un gros budget par la Gaumont avait tout pour séduire, d’abord un excellent réalisateur, Robert Enrico (à qui on doit « Le Vieux Fusil » ou encore « Les Aventuriers »), ensuite un tandem de luxe avec Lino Ventura et Brigitte Bardot, enfin une histoire de contrebandiers dans les Caraïbes durant les années 1920, sur fond de la prohibition aux États-Unis. Voilà qui promettait une savoureuse comédie d’aventure. Au final, la déception est là, le tournage de 16 semaines long et compliqué entre Espagne et Mexique, n’a pas été de tout repos. La réalisation comme le montage semblent avoir posé de nombreux problèmes. Le film de 2h se révèle bien trop long, avec des scènes qui s’étirent inutilement dans le temps. Un exemple, la rencontre Ventura-Bardot ne se fait qu’au bout de 45 mn, au terme d’un long prologue, bien trop long, où on nous présente le personnage principal. Et encore, Enrico voulait que son film dure 2h30 mais a été forcé de couper des scènes par la Gaumont ! Il semble s’être laissé emporter par son budget énorme et avoir voulu raconter plusieurs histoires dans un seul film : l’histoire d’amour entre Linda (Bardot), star du muet et Cornélius (le contrebandier bourru joué par Lino), une comédie virile comme savait les faire Enrico (voir « Les Grandes Gueules »), un hommage au cinéma muet et aux comédies musicales (oui, oui, il y a des chansons !), mais aussi des aventures et de l’action sur fond d’exotisme…Enrico se perd un peu là-dedans et on se dit qu’un Philippe de Broca aurait bien mieux convenu pour mener ce projet à bon port.

Autre problème évident, le casting. Bon, Brigitte, très belle, joue faux et en fait des tonnes en papillonnant, ça, elle l’a fait dans tous ses films, on a l’habitude. Le plus gênant, c’est Lino, pourtant toujours juste même dans les comédies qu’il a pu faire car il aimait faire rire (« Les Barbouzes », « Les Tontons Flingueurs » ou encore « Ne nous fâchons pas »). Il ne semble ici jamais convaincu par ce qu’il fait et cabotine à qui mieux-mieux. On sait que ce n’était pas le 1er choix d’Enrico et que Lino lui a été imposé par la Gaumont. Pourtant, les 2 se connaissaient bien et s’appréciaient mais là, Lino ne convient tout simplement pas pour le rôle de Cornélius : impeccable dans les scènes de comédie et les bagarres, loupant totalement les scènes de charme avec Brigitte…Comment croire à une histoire d’amour alors que le héros n’embrasse jamais l’héroïne ?! Lino s’y refusait absolument, pas du tout à l’aise dans son personnage charmeur. Il a juste accepté que Brigitte le sert dans ses bras (et non l’inverse)…Un des assistants du réalisateur a raconté justement que si on mettait Lino à table avec un steak, et Brigitte à côté de lui, il était bien plus intéressé par le steak ! Pourtant, les relations entre Brigitte et Lino ont été détendues et les 2 se sont bien entendu, Brigitte réussissant par son charme à calmer les colères fréquentes de Lino sur le tournage. Bref, on ne croit jamais à cette histoire et ça n’est bien sûr pas le talent de Lino qui est en cause, juste le fait qu’il ne convient pas pour ce rôle. On imagine sans problème ce que Belmondo en aurait fait ! Mal à l’aise, Lino surjoue la comédie, ce qui n’était peut-être pas forcément le but initial, sans que Enrico ne le remette sur la voie (n’a-t-il pas pu le faire ou voulu ?). Cette comédie a, c’est vrai, gardé un charme désuet mais on est loin d’une réussite du genre, ses défauts étant bien trop visibles. L’échec commercial a été lourd avec juste 1 million de spectateurs pour 1 million de dollars de budget. C’est loin d’être le meilleur film d’Enrico et encore moins celui de Lino.

JOE-ROBERTS
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le 31 déc. 2024

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