Dans le futur, la mission spatiale Star Command se pose une mystérieuse planète inconnue pour tenter d’y établir une colonie humaine. Malheureusement, la planète se révèle vite ê re inhabitable. En essayant de stabiliser un carburant qui leur permettrait de s’en échapper, le ranger de l’espace Buzz l’éclair se retrouve pris dans des distorsions temporelles qui lui font faire des bonds de quatre ans à chaque essai. Un jour, après un bond plus long que les autres, il revient sur une planète en proie au chaos, sous l’emprise de robots venus d’un vaisseau spatial dont personne ne sait rien. Buzz et les quelques survivants encore libres vont essayer d’éclaircir le mystère…
Doit-on craindre pour l’avenir du studio Pixar ? De film en film, il semble que la réponse soit implacablement positive… Le départ de son créateur John Lasseter, véritable âme du studio à la lampe, en 2018, semble avoir laissé un traumatisme dont on n’est pas sûr que Pixar puisse un jour se relever.
Il est en effet intéressant de constater la dégradation progressive des films qui ont suivi ce départ grotesque et scandaleux . Toy Story 4 portait encore très visiblement la patte du génie rejeté, son sens inné de la magie qui lui avait permis de transformer une simple histoire de jouets en chef-d’œuvre intemporel. En avant témoignait déjà d’un affaiblissement alarmant de la direction artistique, mais maintenait le génie scénaristique et émotionnel qui traversait toutes les œuvres du studio. Avec Soul, fruit d’un vétéran et d’un petit nouveau, les studios Pixar créaient pour la première fois une œuvre hybride, où le génie côtoyait la plus insupportable des frustrations : celle de voir un chef-d’œuvre massacré par des idées trop peu ambitieuses. Pour la première fois, on y voyait Pixar reculer devant la complexité de ses propres thèmes et faire des concessions à l’air du temps. Après la charmante (mais mineure) parenthèse Luca, la chute s’accentuait au travers du très décevant Alerte rouge, qui n’abordait jamais correctement son sujet profond, pour rester très superficiel dans son traitement d’un sujet pourtant prometteur.
Comme si Pixar avait désormais tout dit, voilà alors que débarque sur nos écrans le sinistre Buzz l’éclair, qui condense en un seul film toutes les concessions et renonciations de Pixar…
Par le passé, Pixar nous a fait tour à tour rire, pleurer, rêver, réfléchir ? Oui, quatre fois, mille fois oui ! Oublions tout cela, Buzz l’éclair ne nous fait ni rire, ni pleurer, ni réfléchir, ni même (et c’est le comble) rêver. Porté par de rares gags jamais drôles (ou presque), le film d’Angus MacLane semble en panne sèche d’inspiration. Etonnamment présenté comme une synthèse des plus grandes œuvres du genre space opera, la nouvelle œuvre des studios Pixar n’en cerne ni n’en extrait jamais un dixième du génie.
S’appuyant sur un scénario d’une désespérante platitude, alors même que de magnifiques thèmes y sont traités (enfin, y sont affichés), Buzz l’éclair croit faire preuve d’ambition en allant chercher du côté d’Interstellar un ressort scénaristique qui aurait pu être relativement osé dans un film visant (apparemment) un jeune public. Vouloir faire une réflexion sur le temps qui passe en montrant deux personnages vieillir à des vitesses différentes semblait une bonne idée sur le papier. Encore aurait-il fallu suffisamment caractériser les personnages pour qu’on s’y attache et qu’on ressente quelque chose pour eux. Quand la séquence introductive de Là-haut réussissait à nous attacher à ses personnages en quelques secondes, cette séquence-ci nous en touche une sans faire bouger l’autre, tant les scénaristes ont construit des personnages d’une platitude qui ne serait un compliment que pour un trottoir parisien.
L’absence d’émotion aurait peut-être pu s’excuser si le film avait fait le choix de la comédie, mais à ce niveau, c’est encore et toujours la panne sèche. Quand on pense à ce que Brad Bird, John Lasseter, Andrew Stanton ou Pete Docter aurait pu faire avec le décalage temporel et la téléportation (un bref instant, j’ai espéré une scène d’action qui s’amuserait aussi bien avec l’espace que les climax de Thor : Le Monde des ténèbres ou Mission : Impossible – Protocole fantôme…), on se demande ce qui a pu se passer dans la tête des scénaristes pour que celle-ci reste aussi vide.
On comprend le niveau de je-m’en-foutisme abyssal quand arrive le grand twist sur l’identité du méchant, et que le spectateur réalise alors qu’en fait, il n’en a strictement plus rien à carrer… Cela est sans aucun doute dû à l’artificialité extrême de l’écriture du scénario et de péripéties vides de sens, dont la moitié sont dues à des maladresses des personnages. Mention spéciale à la scène dans laquelle Mo renverse Sox, découvrant ainsi un message enregistré des années plus tôt par Alisha où elle nous dit… ce qu’on savait déjà depuis l’introduction du personnage de Sox (étrangement insipide, au passage) !
Il aurait été plaisant de dénoncer la dimension politiquement correcte du film, triste symptôme de la guerre idéologique que Disney a lancé au monde en général et à son état en particulier (voir les récentes – et plutôt courageuses – déclarations du gouverneur de Floride à l’intention de Disney), mais celle-ci est tellement anecdotique au vu des innombrables défauts du film que, finalement, on a presque tendance à l’oublier. On se permet toutefois de regretter que Disney ait profité de Pixar pour lancer ouvertement la propagande à laquelle les studios entendent désormais se livrer. Dont acte. L’ère du piratage vient-elle d’entamer un nouvel âge d’or ? Encore une réponse dont il y a fort à craindre (ou à espérer ?) qu’elle soit positive, étant donné les scores décevants du film au box-office (qui ne permettent toutefois pas de parler d’échec pour autant, attention)…
Mais ce qui est le plus choquant dans Buzz l’éclair n’est même pas le fait de vouloir imposer à tout prix au public du monde entier les fantasmes mal placés d’une idéologie bien mal nommée woke. Ce qui frappe le plus, c’est de voir à quel point le film croit pouvoir se prétendre être ce qu’il ne cherche jamais à être !
Le carton d’introduction est probablement l’élément le plus scandaleux du film. Il annonce en effet une note d’intention qui n’est JAMAIS exploitée par le scénario. C’est un fait : Buzz l’éclair n’a visiblement JAMAIS été pensé comme un film en lien avec Toy Story. A tel point qu’on se demande si le lien n’a pas été ajouté artificiellement au dernier moment pour des raisons évidemment marketing…
Alors qu’il y avait là matière à réfléchir brillamment sur l’impact que peut avoir une icône sur ses fans, sur l’impact que cette réputation peut avoir sur la personne qui en est au centre, alors que les scénaristes pouvaient s’amuser comme des petits fous à réutiliser tous les éléments de Toy Story pour les transposer dans un récit réaliste, JAMAIS Buzz l’éclair n’emprunte ces voies-là. On ne comprend toujours pas comment les scénaristes n’ont pas pensé à exploiter la relation entre Buzz et Izzy dans ce sens (on a l’icône, on a la fan, mais on n’a aucune réflexion sur le sujet !), remplaçant cet arc narratif potentiellement passionnant par une bête phobie de l’espace ni drôle, ni utile au scénario. Rien ne semble donc justifier l’existence de ce film qu’un lien capillotracté avec une grande saga d’animation aux motivations très probablement financière (et vu le succès modéré du film, on en rit bien).
Après l’exposé de tous ces défauts, doit-on enterrer définitivement Buzz l’éclair ? Oui, probablement. Pour un film Pixar, celui-ci est assez honteux pour que cela se justifie. Doit-on descendre jusqu’à la note minimale ? Ce serait toutefois bien sévère (c’est déjà la première fois que je descends à 5 pour un Pixar !).
Quoique le film ne porte JAMAIS en lui la patte Pixar, on peut toutefois lui reconnaître une certaine qualité graphique. Certes, la direction artistique est incroyablement pauvre (les décors sont tous étroits, sans aucune envergure et les différentes technologies ressemblent à des jouets, ce qui aurait pu se justifier... si cela avait été une volonté affichée des scénaristes) et pas au niveau de l’ambition attendue d’un tel film, mais le travail de détail est toujours là. Les textures et les éclairages sont sans doute les seuls éléments qui fassent penser à du Pixar à un moment où à un autre, mais au moins, on y pense enfin.
Le récit en lui-même, s’il est désespérément plat est sans surprise, n’est jamais fondamentalement déplaisant. Quelques scènes retiennent un peu l’attention et globalement, le film réussit à être dans la norme. Même dans la nullité, Buzz l’éclair échoue, en réalité. Peut-être aurait-il pu être excusable d’être un mauvais film, mais au lieu d’être un film nul, il n’est qu’un film plat et sans saveur. Il est parfois pire de grappiller péniblement cinq étoiles sur dix que d’en obtenir deux pour avoir au moins eu le mérite d'être allé au bout de sa vision…
On peut (si on est gentil) excuser un film d’avoir tenté des choses et de les avoir raté. On ne peut l’excuser de n’avoir rien tenté. C’est probablement là un des pires méfaits du film d’Angus MacLane.
Et finalement, bien au-delà de ses gentilles lesbiennes noires et de son arrogant mâle blanc en pleine crise de doute, Buzz l’éclair est parfaitement symptomatique des aberrations de la cancel culture et de la folie woke qui l’accompagne. Après s’être débarrassé des génies d’hier sous le simple prétexte qu’ils étaient ce qu’ils sont, on crée la « culture » de demain, une fausse culture sans relief, sans aspérité, sans rien qui pourrait fâcher (ou que ces gens-là imaginent qui pourrait fâcher) les uns et les autres. On aplanit et on se satisfait d’avoir ôté de nous ce qui faisait de nous des êtres humains. Aldous Huxley et George Orwell doivent en faire des gorges chaudes, de là où ils sont.
Si la cancel culture est coupable de nombreux crimes tous plus odieux les uns que les autres, son meurtre suprême et le plus dur à pardonner sera sans aucun doute celui de ce qui fut jadis le plus grand studio d’animation en activité…
On se doutait que Pixar était mort. Buzz l’éclair vient de l’enterrer... Définitivement ?