Le cinéma n'est pas simplement une industrie du divertissement c'est aussi un art parfois exigeant qui demande ouverture d'esprit , attention et curiosité . Chansons du deuxième étage n'est clairement pas un film pour tous et de part son univers, son rythme et sa construction , le film de Roy Anderson devrait rebuter une grande majorité de spectateurs.
Composé uniquement de plans fixes soigneusement et méticuleusement construits Chansons du deuxième étage est une expérience singulière qui au fil de ses tableaux vivants décrit un univers dans lequel se côtoient l'absurde, la médiocrité, le désespoir, la tristesse, la mélancolie et la grisaille bleu anthracite du monde. Un monde parfois affreux sale et méchant pourtant capable encore de nous faire sourire comme avec ce pauvre bougre au ventre ouvert à la scie par un illusionniste sans doute inconscient que la magie avait disparue et qui se tortille de douleurs en poussant des petits cris lorsque sa femme bouge dans le lit conjugal faisant tressauter ses entrailles. Un monde parfois aussi chiant qu'une longue conversation avec un chauffeur de taxi , grotesque comme une tentative de fuite en traînant derrière nous toute la pesanteur de nos vies matérielles et triste comme le poids des culpabilités individuelles et collectives nous suivant tels des fantômes. Mais au milieu de cette accablante grisaille surgit encore partiellement la poésie comme lorsque tout un wagon de métro se met à chanter en chœur un cantique fulgurant et désespérant .. Dans ce monde les vivants sont aussi blafards que les morts , les enfant sont sacrifiés , les élites sont perdus , les poètes à l'asile et l'argent le moteur de nos pires mesquineries comme si Chansons du deuxième étage était tout à la fois le tableau et le miroir de nos sociétés à bout de souffle .
Chansons du deuxième étage est un film qui laisse une drôle d'empreinte sur le spectateur ce qui est déjà très positif dans un paysage cinématographique ou les films s'oublient à mesure qu'ils se regardent, j'ai longtemps hésité au moment de lui attribuer une note car la fascination et l'ennui se sont disputer mes faveurs durant tout le film .