Hé regardes, c’est nous ça, le blanc, le noir, ensemble. C’est nous. Nous qui avons changé à jamais le visage des clowns. Nous qui avons tant fait pour cet art. Nous qui avons explosé en plein. C’est nous que le monde a oublié alors que nous étions en avance, avant-gardiste. Comme tout avant-gardiste, il nous faut du temps pour ce rendre compte de l’impact que peut avoir une oeuvre ou une vie.
L’histoire aura mis du temps à réhabiliter deux personnages : Footit & Chocolat, deux faces d’une même pièce. Deux faces d’une même idée : changer. Changer le spectacle, changer la société, être plus qu’un simple clown ou qu’un simple sauvage. Chocolat c’est avant tout une manière de réhabiliter l’existence de ce duo formidable de clown. Un duo aussi innovant que différent, aussi fou que jalousé et jaloux, fait d’amitié et de rivalité. Un duo qui ne sera pas allé au bout de son idée de part les espérances de chacun. Le risque d’espérer et de faire toujours plus aura eu raison d’un duo pourtant si beau.
Un duo parfaitement par Omar Sy et James Thierrée. L’un est un des acteurs en vogue, l’autre un artiste au multiples facettes plein de facéties et de talent. La rencontre du grand Omar avec le talentueux mais petit James fait mouche durant les une heure cinquante que dure le film de Roshdy Zem. Ce dernier rend d’ailleurs une très belle copie avec une réalisation aussi soignée que simple. Une réalisation d’une propreté agréable avec cette touche d’intimisme et de proximité qui donne une toute autre saveur à un film qui n’était pas un projet facile. Un projet qui pouvait tomber dans le misérabilisme, dans la moralisation à outrance, dans une critique bête et méchante d’une France encore coloniale et raciste. Roshdy Zem prend son temps et dépeint le monde du cirque (monde pas du tout familier pour moi d’ailleurs) avec une belle efficacité surtout dans le premier tiers du film entre spectacle, humour d’époque et portrait sociétal.
A traves le parcours de ces deux clowns aussi talentueux que blessé, Chocolat délivre une petite fresque historique du Paris du cirque. Un Paris en plein essor où la pauvreté côtoie la grande richesse.
Chocolat dépasse alors largement le cadre du cirque et devient un film social et historique. Un film qui va d’un côté nous montrer l’existence finalement très triste et solitaire des clowns. Et d’un autre côté, un film qui va dépeindre avec efficacité une forme d’espérance dans le personnage de Chocolat. Une espérance qu’aucun ne peut accepter. Trop en avance. Une espérance que même son plus cher partenaire ne peut accepter. Une espérance que Chocolat n’arrive pas à contenir, enorgueillit de sa propre réussite, celui-ci en oubli d’où il vient, oubli qu’il a un partenaire qui a fait de lui ce qu’il est.
C’est là où je trouve que Chocolat est une réussite, d’une certaine manière le film de Roschy Zem dépeint l’ascension et la chute d’un duo trop talentueux pour son temps. Un duo qui aura éclaté en plein vol, pas seulement parce que Footit (car on sent que Footit aurait pu l’accepter finalement !) ne voulait que botter le cul à Chocolat, mais par le manque de communication, la jalousie ambiante entre les deux, le secret de l’un et les addictions de l'autre. On comprend assez bien que si ce duo a explosé, c’est tant la faute de Footit que de Chocolat.
Sous couvert de Chocolat, Roschy Zem signe un film historique intéressant et un biopic bien mené mêlant hommage au cirque et France...d'avant guerre. Ni accusateur ou moraliste, Chocolat réussi le pari d’être un film juste et intelligent doté d'un scénario travaillé et solide et ponctué d’une bande musicale agréable (quoiqu’un peu standard). Il est évident que Chocolat ne révolutionne pas le biopic, mais il fait tout bien et c’est déjà une belle réussite que de réussir un biopic sur fond de racisme. Chocolat est un bien beau film à la fois original par son sujet et réussi grâce à un duo d’acteur efficace et aux émotions contagieuses. En témoigne cette scène finale émouvante au possible répondant au multiples scènes drôles que propose le duo tout au long du film, tout cela entrecoupé d’alcool, d’espérances déchues et de solitudes et clos par une vidéo d’archive aussi drôle que touchante.