Quatre reporters traversent une Amérique plongée dans la guerre civile qui, dans un futur proche, est plus que jamais au bord du gouffre.
Civil war est une fiction dystopique d'Alex Garland sortie sur les écrans le 18 avril 2024.
Civil war, un film qui divise sur une Amérique fracturée...
Dés sa sortie, le film d'Alex Garland divise les spectateurs. Personnellement, je n'attendais rien de particulier avant sa projection et j'ai été très favorablement surpris.
Produit par A24, le biais choisi par le réalisateur est celui du road trip entre New York et Washington où est retranché le Président des Etats Unis. Le pays est plongé dans la guerre civile qui oppose les forces gouvernementales à l'alliance de l'Ouest composée du Texas et de la Californie. Cette union de circonstance, c'est un peu le mariage de la carpe et du lapin tant la Californie est imprégnée de la pensée démocrate et progressiste alors que le Texas est conservateur. Garland fait le choix de se concentre sur l'action et de donner très peu d'éléments de contexte sur les raisons de cette lutte fratricide.
Dans un pays en guerre où le monopole de la violence légitime n'est plus assuré par l'Etat, il est clair que les 4 passagers du SUV prennent des risques certains en entreprenant ce voyage.
Civil war est divisé en 3 parties. La première raconte la rencontre dans un hôtel des 4 protagonistes: Lee, photographe de guerre émérite et tourmentée (Kirsten Dunst, excellente et poignante dans ce rôle), Jessie une apprentie photographe (Cailee Spaeny), Joel (Wagner Moura) journaliste et chauffeur et Sammy (Stephen Mc Kinley Henderson), un papy journaliste qui ne parvient pas à "raccrocher". La seconde raconte le voyage dans un pays parfois dévasté au son de Rocket USA de Suicide et les rencontres, souvent inquiétantes, avec des insurgés ou des américains moyens imprévisibles se livrant à des exactions en tout genre dans une Amérique profonde où l'homme est devenu en loup pour l'homme. Le climax de ces interactions est la rencontre du quatuor avec 2 insurgés qui entassent des cadavres dans une fosse commune après les avoir passé par les armes. L'un des 2, interprété par un inquiétant Jesse Plemons, les tient à portée de fusil et soumet chacun des protagonistes à un quizz mortel.
La troisième partie est une scène de guerre non stop devant la Maison blanche assiégée où est retranché le Président. Les reporters, à bout de force, assistent à l'assaut de l'alliance de l'ouest, le dénouement du film est poignant....
...lorsque Lee se sacrifie pour sauver sa jeune et intrépide collègue.
Fiction et réalité
Les Etats Unis comptent davantage d'armes que d'habitants qui de plus, savent s'en servir. Le pays s'est construit sur la violence et l'éradication des peuples natifs. L'individualisme y règne en maître. Le pays n'a rien d'un Eldorado social. Le deuxième amendement de la Constitution des États-Unis d'Amérique reconnaît la possibilité pour le peuple américain de constituer une milice (« bien organisée ») pour contribuer « à la sécurité d'un État libre », et il garantit en conséquence à tout citoyen américain le droit de détenir des armes. Enfin, la liberté d'expression y est totale.
En perte d'influence sur le plan international dans un monde où s'affirme le retour des Empires, partagé entre la volonté de demeurer le gendarme du monde, le repli sur soi et ses démons intérieurs, les Etats Unis constituent le meilleur exemple pour une dystopie de ce genre. Personnellement, à part l'alliance contre nature du Texas et de la Californie, le film m'a ""bluffé" par sa sobriété, j'imagine ce que cela aurait donné traité par Roland Emmerich.... Les 4 acteurs principaux sont impeccables. J'ai été tout particulièrement sensible au personnage de Lee, reporter de guerre expérimentée, hantée par les horreurs qu'elle a photographiées durant toute sa carrière. A la fois cynique et fragilisée par ce qu'elle a vécu, elle tente pourtant de donner le change durant une grande partie du film. Kirsten Dunst interprète avec beaucoup de talent ce personnage complexe et bien moins blindé qu'il n'en a l'air. L'autre moment fort du film est celui où le milicien interprété par Jesse Plemons interroge les journalistes en pointant son fusil d'assaut dans leur direction. L'acteur, dans le rôle d'un insurgé, y est terriblement effrayant, ses questions ressemblant à une "roulette russe" tandis que le personnage se comporte en procureur, juge et bourreau.
Mais encore....
Je crois aussi que la fracture mise en image dans cette dystopie cinématographique ne se limite pas aux Etats-Unis, un pays sans Histoire mais aussi la plus jeune démocratie du monde. Fragilisées par la crise économique, les inégalités qui se creusent entre les très riches et le reste du monde au nom de diktats économiques poussés à leur paroxysme, encouragées par un cosmopolitisme et un libéralisme longtemps triomphants, de nombreuses démocraties en Europe qui sentent leurs destins leur échapper sont aujourd'hui "au bord du gouffre", ce qui s'exprimera probablement dans les urnes en juin 2024. La circonstance aggravante s'agissant de la France, c'est que l'Etat déclare son aversion pour la justice privée et se prétend investi du monopole de la violence légitime pour faire régner l'ordre, l'actualité montrant tous les jours qu'il est incapable de le faire respecter. L'écran de fumée consiste à limiter la liberté d'expression et à imposer une forme de pensée unique politiquement correcte dont l'objectif indépassable est la transition écologique (Sic!).... En fait, des armes il y en a un gros stock dans les caves des quartiers chauds des grandes villes. D'ailleurs, ceux qui s'en servent pour des motifs criminels liés aux différents trafics le font avec de moins en moins de complexes. Quant à l'"Ordre républicain", il ne règne plus dans une France composée de territoires perdus mais toujours à proximité des Champs Elysées depuis qu'on a "maté" les gilets jaunes et qu'on a fait passer à grand coup de 49.3 un certain nombre de réformes pas vraiment populaires....
Mais plutôt que de regarder la lune (L'ensemble des démocraties occidentales), nombreux sont ceux qui préfèrent regarder le doigt (Les Etats-Unis).
Ma note: 8/10