Kidnapping maladroit
Le côté gros bourrin de "Cohen & Tate" est dissimulé derrière une histoire de kidnapping sans contexte, sans contenu, et sans aucun intérêt. En moins de 5 minutes, toute l'exposition est déroulée...
Par
le 21 mai 2024
Je suis presque sûr que vous qui lisez ces lignes, vous n’aviez jamais entendu parler de Cohen and Tate. Et moi non plus d’ailleurs jusqu’à ce que je tombe dessus complètement au hasard, en regardant la filmographie d’un des acteurs. Première réalisation de Eric Red, scénariste de Hitcher, Aux Frontières de l’Aube ou encore Blue Steel, qui adapte la nouvelle The Ransom of Red Chief de O. Henry, Cohen and Tate est un énorme fiasco à sa sortie au point qu’il tombe très rapidement dans les tréfonds obscurs du cinéma. Pourtant, avec son parti pris intéressant, à savoir celui de s’intéresser, un peu à la manière de The Hit (1984) de Stephen Frears, aux méchants kidnappeurs plutôt qu’aux gentils policiers qui sont à leur poursuite, Cohen and Tate a bien des atouts. Mais on peut malgré tout clairement comprendre qu’il ait déstabilisé une bonne partie des quelques spectateurs qui avaient fait le déplacement.
Thriller sous forme de road movie en quasi huis clos dans une voiture, tout le film va se baser sur l’idée que les deux tueurs / kidnappeurs ne s’apprécient pas à cause de tempérament et de méthodes très différentes, et d’un gamin de 9 ans (qu’ils ont kidnappé donc) va sans cesse venir mettre de l’huilde sur le feu, comprenant très rapidement que sa meilleure chance de survie est d’être sournois et de les monter l’un contre l’autre. Roy Scheider (Les Dents de la Mer, French Connection) incarne le vieux tueur, monolithique, arborant un sonotone, réfléchi, qui semble avoir un lourd passé. En face de lui, Adam Baldwin (Full Metal Jacket, Independance Day), joue un jeune loup beaucoup trop sanguin, violent et psychotique, qui pète un plomb dès qu’il en a l’occasion. Scheider est impeccable du début à la fin mais Baldwin souffle le chaud et le froid, capable d’être très bon lorsqu’il passe en mode bourrin, mais tombant parfois dans la caricature. Le jeune Harley Cross (La Mouche 2, Traquée) s’en sort une fois sur deux, capable d’être tantôt très crédible, tantôt juste à côté de la plaque, alors que son rôle est assez central dans le scénario. Les personnages sont intéressants au point qu’on arrive à avoir de l’empathie pour celui de Scheider malgré son métier de tueur à gage. Ces personnages sont clairement le moteur du film, particulièrement Cohen et Tate. Leurs natures et leurs conflits font que le film vaut la peine d’être vu. Au fur et à mesure que la tension entre les deux monte, on sent la haine des deux personnages l’un pour l’autre et, lorsque le film atteint son apogée lors du final, on ne se soucie pas de savoir qui sera tué, mais on veut que au moins un des deux soit tué.
Nous sommes ici dans de la série B pur jus, au tout petit budget, à l’ambiance très tendue. Passée le déchainement de violence de l’introduction, le rythme va être lent jusqu’au deuxième déchainement de violence final. Le scénario est assez jusqu’auboutiste, n’hésitant pas à franchir certaines barrières que le cinéma hollywoodien n’a pas l’habitude d’approcher, n’hésitant pas à braquer à plusieurs reprises une arme à bout portant sur l’enfant de 9 ans, et même à le frapper, au point qu’on craint vraiment pour sa vie. Même la violence frontale et brutale de l’introduction et du final (du moins dans sa version intégrale) pourra avoir quelque chose de dérangeant pour les âmes les plus sensibles. Mais surtout, le scénario est plus intelligent qu’il n’y parait, bien qu’il faille parfois suspendre son incrédulité durant les 1h27 du film. Eric Red arrive à garder le public impliqué malgré l’environnement claustrophobique. Le ton est souvent sinistre et le réalisateur arrive à créer une atmosphère très particulière et surtout un côté assez imprévisible à son film. La photographie de Victor J. Kemper est très réussie (certains plans sont vraiment très beaux) tout comme la bande originale composée par Bill Conti (Karate Kid, L’Etoffe des Héros) qui donne ce cachet très 80’s. Cohen and Tate tourne malheureusement un peu en rond à mi-film avec un côté répétitif où l’enfant n’a de cesse d’énerver le personnage de Baldwin et celui de Scheider qui tente de calmer le jeu. Mais il ne mérite pas les seaux d’excréments qu’il a pris à l’époque et il semble avoir été réhabilité depuis si on en croit la moyenne de 6.3/10 (sur 2700 votes) sur IMDB.
Bien que la crédibilité et la logique soient parfois un peu poussées dans leurs derniers retranchements, Cohen and Tate est un thriller tendu, mâtiné d’humour noir, aux excès de violence bien brutaux. Très sympathique malgré un ventre mou.
Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-cohen-and-tate-de-eric-red-1988/
Créée
le 22 août 2024
Critique lue 3 fois
D'autres avis sur Cohen et Tate
Le côté gros bourrin de "Cohen & Tate" est dissimulé derrière une histoire de kidnapping sans contexte, sans contenu, et sans aucun intérêt. En moins de 5 minutes, toute l'exposition est déroulée...
Par
le 21 mai 2024
Du même critique
Très hypé par la bande annonce qui annonçait une comédie française sortant des sentiers battus, avec un humour noir, méchant, caustique, et même un côté gore et politiquement incorrect, Barbaque...
Par
le 31 janv. 2022
20 j'aime
Cela faisait plus de quatre ans que Stephen Chow avait quasi complètement disparu des écrans, aussi bien en tant qu’acteur que réalisateur. Quatre ans que ses fans attendaient avec impatience son...
Par
le 25 févr. 2013
18 j'aime
9
Ceux qui suivent un peu l’actualité de la série B d’action bien burnée, savent que Scott Adkins est depuis quelques années la nouvelle coqueluche des réalisateurs de ce genre de bobines. Mis sur le...
Par
le 3 juil. 2019
17 j'aime
1