On dit du nouveau film de Gilles Marchand qu'il emprunte beaucoup à Shining. En réalité, il s'agit presque d'un remake officieux. Le français met en effet en scène un enfant doté de dons télékinétiques surnaturels en proie à une double menace: une figure horrifique et une figure réelle, en la personne de son père. La comparaison ne s'arrête pas là: le trio de personnages, complété par un frère qui échappe à tout ce mysticisme, s'isole dans un environnement hostile et surtout terriblement oppressant. Il faut avouer que la ressemblance est troublante. Toutefois, là où Kubrick faisait preuve d'une ambition hors norme, Dans la forêt joue la carte de l'épure.


Marchand prend son temps et déplie son intrigue machiavélique avec patience, s'appuyant sur une mise en scène sobre mais efficace. Cette différence de style se remarque beaucoup dans l'écriture. Le "shining" ("rayonnement") devient "un pressentiment", qu'on devine vite fondé. Eh oui, on ne dirait pas à la vue de sa couverture publicitaire, mais Dans la forêt fait peur.


Deux formes d'oppression vont donc saisir le pauvre spectateur persuadé qu'il est sur le point de mater un drame familial classique. D'une part, il sera confronté à un élément fantastique pur, incarné par cet homme à la figure de cauchemar. Cette apparition inquiétante inspire la vraie terreur, celle qui se planque dans le noir pour effrayer les enfants. D'autre part, la figure paternelle étouffe progressivement les jeunes protagonistes. Sa proximité et son pragmatisme finissent d'ailleurs par créer un malaise total. Laquelle de ces deux psychoses enfantines est la pire ? Là n'est pas la question, car ces deux mécanismes se complètent parfaitement, ce qui teinte le film d'une atmosphère absolument anxiogène sur tous les plans, atmosphère renforcée par la froideur de ses décors.


Peu étonnant donc que les deux menaces fusionnent dans le climax, point d'orgue sublime de l'accumulation de ces formes de pression.


Remarquablement interprété (les gosses sont impressionnants pour leur âge), Dans la forêt s'impose comme une petite pépite de fantastique; du vrai fantastique, qui n'a pas peur de semer l'incompréhension pour aborder des thématiques sans recourir à la rhétorique. Tous les spots TV de Greenpeace le disent: les forêts produisent de l'oxygène. Celle-ci fait respirer le cinéma français.


Reste à espérer que l'excellent Grave rencontre le succès, afin de concrétiser cette incursion du genre dans le cinoche hexagonal. Ces deux long-métrages ont résolument marqué début 2017 au fer rouge et il serait dommage de gâcher une telle opportunité.

Jabo
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le 22 févr. 2017

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Jabo

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