De guerre lasse par cloneweb
Le polar d'action français ne doit ses lettres de noblesses les plus récentes qu'à une poignée de noms : Fred Cavayé, Olivier Marchal et Guillaume Lemans. La plupart des autres frenchies s'essayant au genre ont bien du mal à tenir la comparaison, quand ils ne se ramassant pas complétement. Mais chaque tentative mérite notre intérêt tant l'actionner est un genre bien trop rare dans un pays noyé sous les drames théâtraux et les comédies idiotes à base de camping, weekends, et autres barbecue. De fait, quand un nouveau nom se fait entendre, on ne peut que lever l'oreille. Dans le cas de De Guerre Lasse, il est même recommandé d'être tout ouïe. Et de noter le nom d'Olivier Panchot sur son petit carnet.
Déjà réalisateur de Sans Moi, sorti discrètement en 2007, Olivier Panchot livre cette fois un film plus personnel, qu'il décrit lui-même comme ayant été inspiré par quelques faits autobiographiques, se gardant bien de préciser lesquels histoire de ne pas spoiler le spectateur. Nous sommes à Marseille et Alex, fils d'un caïd marseillais ayant raccroché pour se consacrer à sa famille, déserteur de la légion étrangère, revient au pays. Il a fui suite à des circonstances malheureuses, s'est engagé dans l'armée mais est désormais de retour car il veut récupérer la belle Katia et se tirer avec elle. Son retour dans la cité phocéenne ne se fera pas sans faire de vagues puisqu'autant la mafia locale que sa famille finit par avoir vent de sa présence.
A travers le retour d'Alex, Panchot évoque la mafia marseillaise. Filmant la ville comme jamais elle ne l'avait été, il évite les clichés pour livrer une vision réaliste, utilisant à bon escient la géographie de la cité méditerranéenne. Réaliste et violente. Il nous plonge dans les mafias locales, entre trafiquants de drogues des quartiers nords aux gérants corses de boites à strip tease. Rappelant à la fois La Nuit nous Appartient et Scarface, De Guerre Lasse est le portrait bien sombre d'une ville d'avantage connue pour son vieux port que pour ses fusillades.
Cette vision nous arrive à la figure à travers Alex. Traumatisé par ses quelques mois à l'armée, il enchaine les cauchemars et n'aspire qu'au calme. Incarné par Jalil Lespert, qui brûle littéralement la pellicule à la chacune de ses apparitions, le personne ne se construit que dans l'action. Panchot ne prend pas le temps de se poser, préférant dévoiler le passé des personnages au gré de l'histoire, comme le faisait déjà Fred Cavayé avec Gilles Lellouche dans A Bout Portant. Le comédien vu aussi dans Yves Saint Laurent n'est pas en reste tant le reste du casting tient la route, grâce à une direction d'acteurs soignée : Tchéky Karyo n'avait pas été aussi bon depuis bien longtemps et Sabrina Ouazani est absolument sublime.
Mais la mafia marseille doit également se partager le coeur de l'intrigue avec de nombreux secrets de famille. Ce second aspect, bien qu'évoqué depuis le départ, viendra prendre le pas sur le premier pour bien donner de l'épaisseur aux héros. Et si on regrettera que cette partie traine un peu en longueur aux dépends d'une fin un peu brutale, on ne peut qu'apprécier les talents de conteur d'Olivier Panchot. Le réalisateur également scénariste appuyé sur son titre en évoquant la lassitude : celle d'un vieux chef mafieux qui a tout sacrifié, celle d'un fils aspirant à une vie plus posée mais devant faire face à son passé. Lassitude d'un monde où ces personnages là n'ont plus forcément leur place.
Film fort, poisseux, caractérisés par des personnages travaillés, De Guerre Lasse est un film dense comme on aimerait en voir plus souvent de ce coté-ci de l'Atlantique.